Le nouveau Canal de Panama

 

Le Canal du Panama a été construit en 1914, pour relier sur près de 80 km le Pacifique et l’Atlantique. Le Panama captait jusqu’à présent environ 5% du commerce maritime mondial (hors pétrole) et 31% du commerce Asie-Pacifique/côte Est des États-Unis. L’objectif (ambitieux) du nouveau Canal est d’accueillir 30% du commerce maritime mondial d’ici à 2020.

Quand le Panama a lancé son projet d’agrandissement  du Canal en 2007, pour permettre notamment le passage de porte-conteneurs près de trois fois plus gros (14000 contre 5500 jusqu’alors), les plus grands navires en service dépassaient à peine les 10 000 boites. Aujourd’hui, au moment où le nouveau Canal ouvre ses portes aux 14 000 TEU, les grandes flottes ont des séries de navires de 18 à 20 000 TEU.

Alors que les volumes transitant par le Canal  avaient bénéficié jusqu’au milieu des années 2000 de la croissance du commerce avec la Chine, ils ont stagné par la suite, les navires les plus performants étant devenus trop gros pour le Canal (large de 32 mètres). Avec une capacité triplée, le canal peut aujourd’hui accueillir 98% des navires circulant dans le monde. Les nouvelles écluses ont une dimension de 427 m de long sur 55 m de large et 183 de tirant d’eau permettant l’éclusage de navires de 366 x 49 x 15 m portant 170 000 tonnes de port en lourd. Le canal ne pourra toutefois toujours pas accueillir les plus cargos du monde, dont la capacité de port en lourd atteint 180.000 à 200.000 tonnes, des mastodontes qui transportent pour la plupart du minerai de fer brésilien, qui continuera à emprunter la route du Cap pour rejoindre les destinations asiatiques.

S’agissant des trafics d’hydrocarbures, les tankers des catégories Aframax (130 000 tpl) et Suezmax (140 000 tpl) pourront désormais  transiter par Panama. Cela tombe bien, car le Pacifique est demandeur de volumes supplémentaires d’importations à partir de l’Atlantique.

Autorité du canal de Panama, la société qui exploite l’ouvrage, table sur une croissance moyenne de 3% par an des volumes, qui ont atteint 341 millions de tonnes en 2015. Le montant des droits de passage perçus par le Canal était de 1,85 milliard de dollars en 2013. Il pourrait doubler assez vite, notamment grâce à l’augmentation attendue du trafic direct entre l’Asie et la côte Est des États-Unis.

Alors que les dimensions restreintes de l’ancienne voie avaient progressivement établi une sorte de goulot d’étranglement sur les routes maritimes reliant l’Atlantique au Pacifique, notamment pour les porte-conteneurs de plus en plus grands, le nouveau Canal rétablit en quelque sorte un passage sans rupture de charge imposée, qui l’apparente par bien des égards au nouveau passage de Suez. Le trafic maritime international devrait y gagner en termes de fluidité et de coûts.

Parallèlement, les grandes compagnies maritimes installent des hubs notamment du côté Atlantique du Canal pour permettre l’éclatement des chargements de grands porte-conteneurs arrivant directement d’Asie, pour desservir via des feeders les ports de la Caraïbe et du golfe du Mexique, mais aussi ceux d’Amérique du Sud.

Du point de vue stratégique, on peut considérer que ce nouveau Canal, après l’agrandissement récent de celui de Suez, vient rétablir la fluidité du trafic maritime qui existait avant la course au gigantisme des navires. En ce sens, il ne s’agit que d’une remise au gabarit des standards actuels des navires de charge.

 

Emmanuel Desclèves

De l’Académie de marine


Pour aller plus loin, mentionnons le livre de Marc de Banville, Le canal de Panama, un siècle d’histoires (Glénat, La Société de Géographie).

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