[Entendu à la radio] Perrine Michon était l’invitée de l’émission « Sans oser le demander » de France Culture
Depuis l’Antiquité, nombre de voyageurs et d’explorateurs ont consigné leurs observations avec l’idée de repousser les limites du monde connu, ou d’établir des savoirs de terrain au sujet de contrées trop mal connues jusqu’alors. Jusqu’au XIXe siècle, il n’existe pourtant pas de géographie proprement dite : pour qu’émerge le projet systématique de quadriller, mesurer, nommer, et représenter en cartes l’ensemble de la surface terrestre, il a d’abord fallu établir que le monde physique dans lequel évoluaient les êtres humains était une surface finie, isotrope et régie partout par les mêmes lois… Au terme du XVIIIe siècle donc, l’essor du commerce maritime a contribué à instaurer l’imaginaire d’une terre universellement parcourable, et le dessin des mers et des côtes est désormais bien connu : nombre de géographes explorateurs s’élancent alors à l’intérieur des terres pour « remplir les blancs de la carte ». Suivis par un grand public enthousiaste à l’égard d’une connaissance qu’ils et elles voient presque littéralement progresser sous leurs yeux, ces scientifiques nouveaux parcourent et caractérisent les diverses régions d’un monde que l’on se représente désormais comme globe.
Une fois cette entreprise de cartographie du monde achevée, la géographie devient humaine, notamment sous l’impulsion de Paul Vidal de la Blache : elle ne cherche plus tant à qualifier les terrains que les humains qui les habitent, et intègre dès lors une considération pour les formes d’habitats (urbains ou ruraux), les échanges, les voies de circulation, ainsi que les phénomènes historiques, économiques ou politiques qui expliquent ces développements particuliers. Quittant le champ de la description, l’histoire de la géographie devient celle d’une manière de comprendre les flux qui structurent et informent les territoires, puis les sentiments de territorialité, d’appartenance à un lieu qui déterminent les vies humaines… C’est cette capacité à saisir les relations d’interdépendance des humains et l’environnement, les paysages dans lesquels ils s’inscrivent, ainsi qu’entre des échelles locales et globales, qui fait l’actualité de la géographie pour comprendre le monde.
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