« Ecoles primaires : dépasser les peurs en enseignant la géographie du Coronavirus », par Xavier Leroux

©Samuel Dereuder

Xavier Leroux est professeur des écoles, docteur en géographie et membre des Clionautes.

 

Mai 2020 : après deux mois de confinement, les classes viennent de rouvrir leurs portes avec inquiétude pour les uns, sérénité pour les autres, adaptation au nouveau contexte pour tout le monde. Au-delà des questions de protocole sanitaire qui ont fait l’objet de débats, parfois âpres, sur les tous premiers jours, qu’en est-il désormais des contenus d’enseignement ?

La présente réflexion veut appuyer l’idée que le Coronavirus pourrait constituer un sujet d’étude pertinent dans les classes pour asseoir les méthodes, concepts et thématiques de la géographie et amener les élèves à penser spatialement cette pandémie et ses nombreuses causes et conséquences.

Plusieurs facteurs permettent d’étayer cette proposition que je prends ici dans le cadre du premier degré.

Premièrement, les programmes nous permettent de le faire. Certes, l’étude des questions sanitaires n’est pas nommément inscrite dans les instructions officielles mais le large paradigme de l’habiter décliné autour de verbes d’actions autorise à faire du Coronavirus un exemple parlant : on peut convoquer l’entrée « découvrir le(s) lieu(x) où j’habite » pour interroger les espaces domestiques du confinement ; « satisfaire les besoins alimentaires » pour questionner l’un des motifs autorisés de l’attestation dérogatoire de sortie qu’est l’approvisionnement ; « se déplacer » pour visualiser la progression spatiale de l’épidémie ; « communiquer grâce à Internet » pour saisir l’adaptation des habitants au télétravail et poursuivre l’activité économique, sociale et éducative.

Il faut noter ensuite que les disciplines humanistes, scientifiques, artistiques et sportives ont davantage pâti de cette situation d’enseignement à distance. A la fois côté élèves et côté enseignants, la plus grande familiarité des contenus en français et en mathématiques et la plus grande facilité à les transmettre, tant pour des exercices différés que pour la classe virtuelle, a mécaniquement freiné les autres domaines. Alors oui, il est nécessaire de poursuivre l’apprentissage de ces fondamentaux et de mettre les élèves en activité physique après une telle période d’immobilité mais la nécessité d’une contextualisation et d’un étayage oral des disciplines comme la géographie est réelle.

Enfin, le calendrier peut apparaitre ici comme un allié : débuté à l’aube du dernier tiers de l’année scolaire, le confinement prend fin sur les dernières semaines de celle-ci. L’arrivée de la période des révisions et bilans cumulée au fait que les programmations et progressions ont sans doute été mises à mal peut constituer une légitimation de tester de nouvelles choses, en lien avec cette actualité qui aura marqué de jeunes esprits dans lesquels il convient d’amener prise de distance et déconstruction des discours médiatiques.

De quoi donc tenter d’aborder modestement la construction des cartes (les cercles proportionnels rendent mieux hommage aux quantités que les surfaces colorées comme on l’a vu avec les cartes des nombres de cas, le choix des données retenu qui est d’une importance cruciale comme on l’a vu avec la carte du déconfinement), de mettre l’accent sur des concepts forts de la discipline pourtant peu employés (comme celui de diffusion spatiale), d’affiner son regard prospectif (modifications des comportements au sujet de la consommation, du choix du logement, des mobilités).

 


Retrouvez sur notre site le portrait de Xavier Leroux : « Ce sont les élèves et leur famille qui sont les premiers acteurs de leurs spatialités »

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