Olivier Godard : « Un élève qui maîtrise son territoire du local au plus global sera un citoyen éclairé »

Pour qui s’intéresse à l’enseignement de la géographie au collège, Olivier Godard n’a rien d’un inconnu. Professeur d’histoire-géographie au collège Paul Éluard de Gennes (Maine-et-Loire) et chargé de mission au château d’Angers, ce dernier co-organise depuis maintenant huit ans plusieurs concours de cartographie qui rencontrent un succès chaque année grandissant auprès des élèves des collèges et lycées participants. Entre deux nouveaux épisodes du Concours Carto 4ème, Olivier Godard a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses pour nous expliquer sa pratique quotidienne de la géographie… dans laquelle la cartographie n’est jamais très loin !
Comment avez-vous découvert la géographie ?
Mes premiers souvenirs de géographie remontent au collège. En tant qu’écolier j’ai quelques souvenirs de leçons d’histoire mais pas de géographie… Au collège c’est différent, je me souviens de la construction de diagrammes ombrothermiques en 6ème sur du papier calque, de l’Afrique en 5ème avec une personne qui était venue nous voir en classe pour nous raconter sa traversée à vélo du continent de l’Algérie à l’Afrique du Sud, ou bien encore l’étude des grandes puissances en 3ème et les premiers croquis de géographie pour le brevet des collèges !
A l’entrée à l’université j’ai hésité un moment entre l’histoire et la géographie avant de choisir l’histoire avec une forte coloration géographique.
Indépendamment même des programmes et de leurs évolutions, à quels objectifs accordez-vous une importance particulière ?
Ce que je vais dire est classique mais la géographie permet d’acquérir des savoirs : des repères géographiques bien évidemment, mais aussi du vocabulaire pour pouvoir décrire au mieux ce que les élèves voient au quotidien ou à travers les écrans mais aussi, et cela me semble important, un stock de paysages, de textes, de données statistiques permettant de se constituer une culture géographique nécessaire à la bonne compréhension du monde. Au-delà du savoir, on arrive donc à un savoir-être : celui du citoyen en formation. Un élève qui maitrise son territoire du local au plus global sera un citoyen éclairé. Il est là l’objectif majeur de cette discipline !
Après, entre l’objectif et la réalité il y a du chemin… et des élèves qui adhèrent plus ou moins au projet comme pour tout enseignement. Il faut pouvoir, et parfois ce n’est pas simple, les emmener avec nous.
Selon quelle(s) démarche(s) se construit votre enseignement de la géographie ? Comment les mettez-vous en place dans votre/vos classe(s) ?
La démarche est souvent la même : partir de l’exemple concret et « saisissable » suivi d’une généralisation à plusieurs échelles selon le sujet abordé.
Prenons deux exemples pour illustrer cela. En 4ème, dans le chapitre sur « les mers et les océans : un monde maritimisé » on peut partir de l’exemple de Singapour pour montrer à l’échelle de cette Cité-État la littoralisation des activités et des hommes et les aménagements nécessaires pour que ce port reste puissant à l’échelle mondiale. Cette étude permet ensuite de mieux comprendre la notion de façade maritime et les enjeux qui y sont liée à travers les mondialisations. Autre exemple, en 3ème, l’étude du plateau de Saclay comme espace productif agricole, industriel et de services permet ensuite d’élargir à la question des espaces productifs en France et d’analyser les logiques de localisation.
L’avantage d’une telle démarche est qu’elle permet, lors de l’étude de cas, de faire travailler les élèves en groupe dans un travail de recherche qui débouche parfois, pour ne pas dire souvent, sur un travail de cartographie.
Selon vous, l’enseignement de la géographie se heurte-t-il à des difficultés particulières ?
Je ne crois pas qu’il y ait de difficultés particulières pour l’enseignement de la géographie. Il peut y avoir, parfois, une difficulté à faire comprendre des notions très abstraites : mondialisation, développement durable, habiter, puissance, etc. mais cela peut se résoudre par l’utilisation d’exemples concrets pour mieux les appréhender.
Je dirais même à l’inverse qu’il y a beaucoup de plaisir à enseigner cette matière car c’est un cours en perpétuel renouvellement. On peut choisir les exemples que l’on veut, on a accès avec internet à une banque de données inépuisable : il existe peu de lieux sur cette planète pour lesquels les images, textes, données statistiques manquent. On se répète rarement d’une année sur l’autre en géographie et c’est ce qui fait tout le charme de cette matière !
Avez-vous un souvenir de « moment de grâce » survenu dans un de vos cours de géographie ?
« Moment de grâce », l’expression me paraît un peu forte ! Comme tous les enseignants, il y a ces moments où l’on croit (peut être simplement que l’on espère !) déceler chez les élèves un œil qui brille lors d’un cours. Suivre le parcours d’un conteneur et le cartographier en sachant très exactement où il se situe au moment où le cours se déroule en intrigue plus d’un !
Une année où nous faisions cet exercice, le navire qui transportait le conteneur avait disparu de l’écran au large du japon alors qu’il se rendait en Amérique du Nord. Certains s’étaient émus de cette « disparition » et pendant plusieurs jours ensuite avaient cherché à retrouver le navire manquant. Après avoir cherché l’explication à ce phénomène (et éplucher la presse à sensation à la recherche d’un bateau naufragé), une explication avait été trouvée : le site qui recense les navires en circulation s’appuie sur des données délivrées par les émissions radios de ces mêmes navires et lorsque ceux-ci sont en pleine mer, les émissions cessent (au moins pour des radios amateurs). Le bateau était réapparu la semaine suivant au large de la Californie !
Sinon les bons souvenirs de géographie enseignée sont aussi ceux de la géographie de terrain : emmener des collégiens et ouvrir leur esprit à l’observation géographique est un vrai moment de bonheur. Ce n’est pas simple à organiser mais cela peut avoir lieu au moment d’une sortie qui au départ n’est pas une sortie liée à la géographie, comme un séjour linguistique.
Il me vient à l’esprit une sortie organisée avec mes collègues d’histoire géographie, dont Marie Masson avec qui j’ai créé les concours de cartographie. Nous avons emmené 130 élèves de 3ème à Paris pour une journée de découverte de cette ville comme « métropole mondiale ». Nous avons commencé cette journée depuis l’esplanade de la Défense et nous l’avons terminé à la BNF de l’autre côté de Paris ! Trois itinéraires différents dans la ville, des groupes constitués dans chaque classe pour observer les activités économiques, l’habitat, les réseaux de transport… Cette traversée de Paris à pied principalement et en métro sur une courte partie a été un joli moment géographique à vivre !
Vous organisez plusieurs concours de cartographie auxquels participent des élèves de collège et de lycée. Comment ces initiatives – au succès chaque année grandissant – influencent-elles votre enseignement quotidien de la géographie ?
Le Concours Carto 4ème est celui qui influence le plus largement mon enseignement puisque depuis 8 ans, il accompagne tout au long de l’année le travail avec l’une de mes classes. Cette classe « carto » identifiée comme telle à l’échelle de l’établissement pratique beaucoup la cartographie au-delà du concours d’abord pour apprendre ce savoir-faire, puis ensuite pour accumuler les connaissances nécessaires à la bonne réalisation de la carte de chaque binôme d’élève. Toutes les semaines, il y a une carte d’une autre classe à noter et à commenter : cela aiguise leur œil géographique et cartographique. On le constate nettement quand on compare avec les autres classes.
Les autres concours de cartographie imaginaire et d’actualité permettent un accompagnement des élèves qui s’y inscrivent. Cette année par exemple, le Concours de Cartographie d’Actualité qui porte sur les migrations en Afrique et en particulier en Libye a permis d’enrichir le cours sur les migrations en classe de 4ème.
Plus largement la cartographie est un élément essentiel de ma pratique d’enseignant. Il y a rarement un cours de géographie qui se déroule sans que l’on sorte les crayons de couleur et les élèves le savent bien !
Retrouvez l’interview qu’Olivier Godard nous avait accordée sur le Concours Carto 4ème : Découvrir la géographie autrement : le concours de Cartographie 4ème (CC4)
Pour aller plus loin
Page du Concours Carto 2nde
Page du Concours Carto 4ème
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