Les Bodegas
Une des missions principales du voyage de la Société de Géographie est de rendre compte de l’état œnologique du pays. Nous avons exploré le vignoble et des vins argentins, en suivant la « Ruta de Vino » de Salta à Mendoza.
L’intérêt des vins argentins est celui de cultures en altitude (de 1500 à 3000m pour la région de Salta-Cafayate et de 600 à 1800 m pour la région de Mendoza) avec des amplitudes thermiques très fortes entre le jour et la nuit. Les cépages adaptés à ce climat ont la peau épaisse. Pour les blancs, c’est surtout le cépage torrontès, et pour les rouges le cépage dominant est le malbec. Les vignes sont conduites en pergola (méthode ancienne permettant d’avoir d’autres cultures au sol et à l’ombre) et plus souvent actuellement en guyot. Elles sont pour la plupart arrosées au goutte à goutte dans les secteurs arides du nord-est. Il n’y a pas ou peu de traitement car l’absence d’humidité empêche la prolifération des maladies, des champignons et des insectes. Les rangs en général ne sont pas désherbés.

Rangs de vignes non-désherbés sur fond d’Andes
A Mendoza, il y a des risques de grêle et les rangs de vignes sont protégés par des filets disposés verticalement, les feuilles et les grappes sont resserrées dans ce corset. Les vendanges sont conduites à la main, même dans les grands domaines. Les méthodes de vinifications diffèrent légèrement d’un domaine à l’autre et sont issues de conseils de vignerons français ou italiens : tri manuel, parfois refroidissement des grappes, égrappage, tri des grains, méthodes gravitaires, fermentations en cuves inox 20 à 30 jours) , filtration, mise en cuves béton, décantation quelques mois et filtration, vieillissement en barriques de 235 litres en chêne français pendant 1 à 3 ans, embouteillage (machines encore sommaires), stockage en palette, étiquetage juste avant l’expédition.
On se rappelle que la dégustation des vins de la Bodega PIATELLI à CAFAYATE, le 8 décembre, avait été catastrophique. Non seulement il nous avait fallu subir l’arrogance et la suffisance de la personne qui nous avait conduit la visite des énormes équipements de vinification d’un domaine de 200 ha, mais aussi il nous a fallu le courage de déguster leurs vins : 1) un torrontes 2015, peu intéressant (titrant 14 degrés), 2°)une comparaison entre 2 malbec, l’un de 2015 provenant de Cafayate et l’autre de 2012 provenant de Mendoza (dégustation de 2 mauvais vins, non comparables), 3°) une autre comparaison de vins non comparables, un assemblage malbec-tanants (cépage du madiran) 2015, avec un cabernet sauvignon 2012 de Mendoza, vin déjà passé, puis un malbec de Cafayate assez fruité.
Heureusement, une dégustation des vins à la BODEGA NANNI, au centre de CAFAYATE avait permis de rendre hommage à la qualité des vins de cette propriété familiale centenaire, nettement plus représentative des recherches œnologiques actuelles : vino organico (avec certification organico pour l’ensemble de la production depuis 1996, méthodes naturelles, voire partiellement bio). Recherche constante de qualité, définition de la notion de terroir à la finca San José de Chimpa dans la vallée de Cafayate, terrain alluvionnaire, raisins de grande concentration polyphénolique et de grande qualité sanitaire, sans usage de produits agrochimiques. Deux gammes sont présentées : celle des vins jeunes et fruités, et celle des vins de réserve (dont la cuvée Arcanus Gran Reserva de production limitée). La gamme des vins jeunes a été dégustée : un rosato trop lourd, un excellent torrontes 2015 nerveux et fruité, un excellent malbec 2015, un excellent cabernet-sauvignon 2015, et un très beau tannat 2015.
La visite du 13 décembre, une semaine plus tard à une cinquantaine de km au sud de Mendoza, nous a présenté le domaine del Siete, c’est-à-dire celui du regroupement de 7 domaines. Cette formule a été initiée par Michel Rolland, et regroupe son propre domaine, et ceux de Diamandes, Cuvelier, Montevijo, Dassault et Michel Boni. L’ensemble représente 850 ha.
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La BODEGA DIAMANDES est très importante : un grand bâtiment abrite 4 cuves de 250 hecto et 60 cuves de 120 hecto). Le pressage des grains éraflés se fait doucement. Puis la visite se poursuit par un spectaculaire grand caveau circulaire pour l’élevage en barrique, pour le stockage des bouteilles ainsi que des palettes grillagées en attente, avec les bouteilles non étiquetées. Près de 80% de la production part à l’exportation. La visite des vignes a été courte. Certains ceps sont en fleur, d’autres ont déjà des grappillons voire des grappes formées. La technique du marcottage est utilisée. La notion de rendement n’a pas été donnée en hecto/ha, et reste difficile à transcrire ici. La dégustation a eu lieu dans une belle pièce aux beaux murs de béton de pierres naturelles et au sol en béton ciré. 1°) un sauvignon 2015 de Michel Rolland, sec, que l’on pourrait noter 05/20 en dégustation. 2°) un merlot de Cuvelier, Los Andes 2013, élevage 11 mois en barrique neuves puis 4 mois en barriques usagées, bien ouvert, riches arômes de merlot, à boire maintenant. 3°) un malbec de Diamandes 2013, très apprécié, 4°) un Clos de Sieta 2011, assemblage de 6 cépages (malbec 60%, merlot 30%, cabernet-sauvignon, syrah, cabernet franc, petit verdot), excellent assemblage, belle bouteille. Sur l’étiquette, une étoile à 7 branches dorées.
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BODEGA CUVELIER-LOS ANDES
Nous avons visité l’équipement vinicole de cette bodega. Les bâtiments sont organisés autour d’un patio triangulaire. Les coursives du premier étage donnent sur le patio permettent de jeter un rapide coup d’œil sur les pièces de vinification et de cuvage. Il n’y a pas eu de dégustation.
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BODEGA ORTEGA-FOURNIER
C’est une création récente, des années 2000. Les capitaux sont espagnols (banque de Santander). Le terrain trouvé était aride et vierge de vigne. En 2006, ont eu lieu les premières vendanges. Des parcelles sont encore en vente sur ce domaine, au prix de 180 000 US$ / ha. Les membres de l’expédition évoquent l’idée de l’achat d’un hectare par la Société de Géographie. Le coût de l’entretien des vignes et du processus jusqu’à la mise en bouteille est de 10% environ. Au bout de 2 ans la bouteille a une valeur de 50 pesos, et peut se revendre 150. L’opération semble viable.
L’architecture des bâtiments, imaginée par le cabinet d’architecture Bormida & Yanzon (qui a réalisé nombre de bâtiments de bodegas aux alentours) est soignée et spectaculaire : un bâtiment carré avec un toit à chapeau plat et à fort porte-à-faux pour le travail de vinification, un autre lieu de forme carrée, enterré pour la cuvaison en barriques, avec un éclairage naturel sous la forme d’une fine croix en diagonale au plafond en caissons de béton, et un troisième bâtiment très vitré pour l’accueil.
C’est dans ce dernier que les représentants de la Société de Géographie ont été dignement reçus. Dans cette salle, de larges baies vitrées ouvrent sur le paysage merveilleux : au premier plan, un bassin, puis des rangs de vigne, teinte verte, puis une bande horizontale brumeuse, puis au lointain très proche, la ligne des grands sommets blancs, enneigées de la Cordillère des Andes. Cette ligne de montagnes semble suspendue de façon magique dans l’espace.
La grande table du déjeuner est dressée. Les quatre verres attendent la dégustation qui se fera pendant le repas. 1°) un chardonay, cuvée Urban très agréable, quoique manquant de nervosité. 2°) un beau torrontes 2015 au nez floral, très fruité, arômes mielés. 3°) un beau Beta Crux 2011, assemblage malbec, merlot, syrah, et tempranillos (cépage espagnol). 4°) un excellent Alpha Crux 2007, leur meilleur vin, 60% tempranillos, 25% malbec, 15% cabernet sauvignon, vin très ouvert, aux arômes complexes.
Au-delà de l’excellence des vins, les dégustateurs félicitent le propriétaire, M. Ortega, et la chef de cuisine, pour la beauté de la présentation des assiettes, leur qualité gastronomique et la remarquable alliance des mets avec les vins.
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