[Lu sur la toile] « Deux géographes de la liberté : Pierre Gourou et Roger Dion », par Jean-Robert Pitte

A l’occasion de la séance solennelle du lundi 15 novembre 2021 de l’Académie des sciences morales et politiques, Jean-Robert Pitte est revenu par le menu sur le parcours de deux figures fondamentales de la géographie française, Pierre Gourou et Roger Dion.

 

« Au cours de ses interventions annuelles lors de la séance solennelle de rentrée de l’Académie des Sciences morales et politiques, Xavier Darcos, mon prédécesseur d’heureuse mémoire, comme on dit au Vatican, avait choisi d’évoquer la personnalité et l’œuvre de beaux esprits n’ayant pas été membres de notre compagnie. Elle n’existait pas au temps de Tacite et de Fénelon ; Madame de Staël était une femme et Péguy, pensait-il, aurait échoué s’il avait été candidat. Parmi les maîtres de la géographie du XXe siècle, notre académie a élu Paul Vidal de La Blache, Jean Brunhes, Augustin Bernard, Raoul Blanchard, André Siegfried, Maurice Le Lannou, Pierre George et Alice Saunier-Seïté. En revanche, je voudrais évoquer deux grands savants, professeurs au Collège de France, dont l’ampleur de l’œuvre et l’audace de la pensée auraient mérité que la section histoire et géographie songeât à eux: j’ai nommé Pierre Gourou (1900-1999) qui occupa la chaire d’Étude du monde tropical de 1947 à 1970 et Roger Dion (1896-1981), titulaire de la chaire de Géographie historique de la France de 1948 à 1968.

Ils furent érudits, pragmatiques, audacieux, clairs dans leur pensée, élégants dans leur expression, attachés à s’appuyer sur des faits précis, vus et lus, ce qui rend leurs écrits vivants et d’un réel agrément. Ils ont surtout chanté la liberté de l’humanité, sans laquelle la démarche géographique est dénuée de tout intérêt. C’était aussi le cas de leur prédécesseur (élu en 1933 au Collège de France) André Siegfried (1875-1959). Celui-ci fut l’un de nos membres à partir de 1932, ainsi que de l’Académie française, à partir de 1944 ; il ne fut, hélas, jamais reconnu vraiment comme un géographe au sein de cette discipline, mais plutôt comme un sociologue et un politiste, et surtout il fut jalousé pour ses chaires à Sciences Po et au Collège de France, ainsi, peut-être, que pour son appartenance à la grande bourgeoisie. Je peux témoigner du fait que jamais son nom n’a été cité par l’un de mes professeurs tout au long de mes études supérieures de géographie entre 1966 et 1971 et que je l’ai découvert bien plus tard. Et pourtant, il est le seul à avoir défini la géographie de manière aussi large et juste : « Il y a une géographie de tout. L’homme de tempérament géographique est celui qui envisage tout sous cet aspect, qui, à propos de tout, fait une carte. De ce fait, il existe d’innombrables géographies : géographie des idées, des partis, des religions, des maladies, et notamment des couleurs, des odeurs et des sons. »

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La suite de l’intervention de Jean-Robert Pitte est à retrouver sur le site de l’Académie des Sciences Morales et Politiques : « Deux géographes de la liberté : Pierre Gourou et Roger Dion »

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