« Faut-il « ouvrir » les plages ? », par Alain Miossec
Depuis quelques jours, le carcan du confinement parait céder peu à peu sous la pression de la population… et de ses relais médiatiques. Le confinement avait pour objectif – plutôt clairement exposé – de freiner la propagation du virus en imposant un « distanciation sociale » (spatiale plutôt, non ?) entre les individus. Si l’on en juge par ce que nous montrent les cartes, ce confinement a donné des résultats honorables, la pression dans les zones exposées diminue… dans les hôpitaux et, dans l’ouest de la France, la vague semble avoir eu un bien moindre impact. C’est, de ce point e vue, une réussite qui demandera toutefois à être confirmée en changeant l’échelle de la cartographie pour affiner les choses en sortant du cadre département. Et l’on verra alors une tout autre « vérité » du terrain apparaître. Mais cela c’est pour les « mois d’après » et les géographes ne manqueront pas de s’y intéresser.
Pour l’heure, puisque la pression diminue et que le déconfinement est proche, faut-il l’anticiper ? On envisage de permettre à la population de prendre l’air dans la campagne, dans les sentiers bien balisés des grandes forêts domaniales. Les maires des communes littorales ne manquent pas de s’en insurger, à qui le gouvernement (l’Etat) continue de refuser l’accès aux plages, sinon aux fronts de mer où la déambulation « pépère » et les inévitables joggers font déjà le spectacle.
Les maires ont-ils raison de crier à l’injustice ? Il est bon de rappeler quelques principes. D’abord, en matière de droit, la plage fait partie intégrante du domaine public maritime, entièrement sous la responsabilité de la puissance publique… et cela depuis Colbert et rien dans les législations les plus récentes n’a pu entamer ce principe régalien. Ensuite, il est bon de rappeler que la plage, cette accumulation de sable ou de galets, est une forme fragile soumise à érosion, phénomène constamment rappelé depuis quelques années, d’ailleurs sans nuances. C’est surtout un espace affecté par la marée. Là où elle se manifeste avec vigueur, l’estran est large et même très large en phase de grande marée : il ne serait pas, dans ce cas, sot d’en autoriser la fréquentation contrôlée (le nombre) à marée basse et pendant deux ou trois heures car… à marée montante, l’estran rétrécit et l’on peut alors craindre une concentration croissante des promeneurs. Ce tableau permissif vaut pour l’Atlantique et la Manche-Mer du nord et pourrait plaider pour une adaptation aux contraintes géographiques en desserrant (un peu) le carcan du droit du littoral. Mais cela ne vaut pas pour les plages méditerranéennes où l’espace libéré par la marée est insignifiant et où les plages les plus larges sont souvent alimentées artificiellement. Le réalisme local s’oppose alors à la règle de la Nation.
Prenons pour conclure un peu de hauteur pour rappeler que le littoral est, comme le disent et le répètent les textes depuis une cinquantaine d’années, un espace rare, fragile et menacé. Un liseré où se concentrent des populations nombreuses qui veulent de l’air pur et la vue sur la mer. En cela, la plage n’échappe pas à cette règle qui a fait des littoraux des espaces convoités. Autoriser l’accès à la plage suppose d’en gérer les accès et de baliser les itinéraires de la promenade ; en d’autres termes, de responsabiliser la population. Affaire plus locale que globale. Il n’est pas de l’autorité d’un géographe de dire le droit en revanche, une petite piqure de rappel ne saurait être ni innocente ni franchement inutile ! Il y aurait tant à dire cependant !
Alain Miossec
Cher Monsieur,
Je viens de lire avec un immense intérêt votre article dans lequel vous proposez l’ouverture des plages sur le littoral de Atlantique, Manche et Mer du Nord, pendant quelques heures, à marée basse lorsque l’estran est large. Résidant entre Paris et Saint-Quay-Portrieux, je me suis permise de diffuser votre excellent article aux adhérents et sympathisants de l’association « Cafés géographiques de Saint-Brieuc » que je préside ainsi à quelques élus de Côtes d’Armor.
En espérant que votre proposition sera retenue par les communes en situation littorale,
Christiane Barcellini