« Covid-19 : où en est-on ? », par Jacques Gonzales
L’annonce d’une rentrée des classes possible le 11 mai a fait entrevoir le bout du tunnel pour les impatients.
Où en sommes-nous ? Un expert nous annonce aujourd’hui que c’est la fin de l’épidémie et pourtant regardons les courbes de Worldometers. Ne sombrons pas dans le pessimisme, mais constatons que la situation sanitaire reste très préoccupante. Il y a plus de 6 700 malades en réanimation, avec un taux de mortalité particulièrement élevé (plus de 50 % de décès), auxquels s’ajoutent 32 200 malades hospitalisés. Les soignants sont sur les genoux.
Il est bien dommage que les médias harcèlent les experts sur des questions auxquelles ils ne peuvent pas véritablement répondre et qu’ils ne les interrogent sur ce qu’ils savent vraiment. Des fake news ne connaitraient plus un franc succès auprès d’un tiers des français comme cette rumeur savamment étayée et colportée par le Dr Alan Cantwell, selon laquelle le Covid-19 provient d’un laboratoire de recherche. Ces fausses nouvelles viennent s’ajouter à une pléthore d’informations, parfois contradictoires, qui submergent en continu nos compatriotes dont 37 % victimes psychologiquement du confinement.
Les experts spéculent dans des fourchettes d’approximation certes plus resserrées que la moyenne des béotiens. Mais beaucoup sont dans l’obligation d’apaiser en priorité les peurs par des phrases alambiquées. Pourtant cessons d’espérer l’apparition d’un vaccin dans les trois mois grâce à des moyens financiers colossaux consentis par les Etats, dont le nôtre.
Soyons beaucoup plus pragmatiques. Pour vaincre cette épidémie, il faudra au préalable la contrôler.
Le nombre de nouveaux malades doit décroître considérablement afin de diminuer à la fois le nombre d’hospitalisés et de patients en réanimation. Quand ces chiffres seront devenus acceptables, – et on en est loin – il faudra que le déconfinement même partiel n’entraîne pas une brutale augmentation de ces chiffres, même aux hauteurs actuelles. Les services sanitaires, leurs personnels ne pourront plus être en mesure d’y faire face. Le port systématique de masques devra être obligatoire tant dans la rue, les commerces, les transports qu’au travail. L’approvisionnement en masques est crucial, des règles de distanciation sociale durable seront aussi indispensables.
Le contrôle de cette épidémie passe aussi par une augmentation de la population à l’abri du risque de tomber malade, celle constituée par ceux qui sont immunisés. Les tests de séropositivité pour en faire la preuve ne sont pas encore diffusés. Cette tranche de la population, estimée entre 2 à 6 % des Français, disons 4 millions au maximum, pourrait mener une activité normale, participer déjà à la reprise économique. Il faut espérer que cette détection soit rapidement instaurée tout en étant fiable : déclarer immunisé quelqu’un qui ne l’est pas donnerait une fausse assurance à un agent contaminateur particulièrement redoutable malgré lui.
Comme l’indique cette image, publiée le 15 avril dans Aujourd’hui en France, s’il faut pour que l’épidémie régresse, 60 % de la population immunisée, soit 40 millions d’individus, cela sera très long. Cependant la levée du confinement peut devenir non plus un danger, un outil pour raccourcir ce délai. Encore faudra-t-il faire de la prestidigitation pour que les personnes atteintes connaissent, toutes, des formes bénignes de Covid-19. Comme à l’heure actuelle, il n’existe pas de thérapeutique capable avec certitude d’atténuer la virulence de ce microorganisme, il conviendrait de protéger les personnes pour lesquelles le risque de forme grave de cette virose est élevé. Cette population a été identifiée, c’est l’âge et la comorbidité qui en sont les responsables, hormis quelques exceptions. Ces personnes à risque devraient être mieux protégées que les autres, notamment en disposant de masques pour elles-mêmes et ceux qui les entourent. La coexistence de plusieurs types de coronavirus de dangerosité variée n’est pas exclue sur la planète, pas plus que la mutation d’une souche en une autre moins dangereuse, à la faveur de conditions que nous ignorons encore. La venue de l’été pourrait avoir une influence favorable sur l’épidémie actuelle, et ce serait une grande chance, une magnifique surprise.
Dans cette quête de deviner l’avenir, des réalités interrogent comme la différence de ce qui se passe entre la France et l’Allemagne. Ce diagramme publié le 15 avril dans le Télégramme interpelle. Des interprétations péremptoires ont été rapidement avancées.
Celui de la comparaison de la mortalité en France, entre mars 2020 et mars 2019, région par région (sans référence au Covid-19 pour 2020) publié dans La Provence du 15 avril, démontre qu’au sein même de la France des disparités importantes existent selon les territoires. Selon ce même journal, daté du 8 avril, cette fois, ces mêmes différences existent si on considère le seul Covid-19 comme cause de mortalité, avec la même répartition territoriale.

Comparaison de la mortalité en mars 2020 par rapport à mars 2019

Taux de mortalité liée au Covid-19 supérieur à la moyenne nationale, en rouge, inférieur à la moyenne en bleu, le 8 avril.
L’analyse géographique constitue un outil de réflexion majeure pour décrypter les nombreuses hypothèses que ces chiffres soulèvent. Les situations économiques, les données topographiques et environnementales, les conditions d’habitats, les facteurs éducatifs, socio-professionnels, les équipements sanitaires, les moyens en personnels investis dans l’aide sociale, les profils d’âge et de santé des populations concernés sont autant d’éléments à considérer pour une réelle discussion.
Il reste d’autres inconnus. La maladie liée au Covid-19 apparaît comme une maladie nouvelle. On connaissait les « grippes », celles qui donnent un rhume, une gastro, une bronchite… des virus si « gentils » qu’aucun médecin n’envisageait de pratiquer de prélèvements en vue d’analyse à ses consultants. Le Covid-19 se manifeste de façon aussi variée que ces grippes courantes mais avec des singularités supplémentaires, comme la perte de l’odorat et/ou du goût, et surtout une évolution retardée, dans un certain nombre de cas et imprévisibles, vers une pathologie tout autre, redoutable, d’ordre immunologique. Tout cela va réclamer beaucoup de temps pour analyser, comprendre, trouver les stratégies thérapeutiques adaptées. Les essais sont déjà lancés et heureusement nombreux. On peut imaginer que la médecine va faire à cette occasion des progrès très utiles pour l’avenir. En attendant nous sommes dans l’obligation d’accepter la patience. Et revenons à l’école, à la rentrée dans les lycées évoquée pour le 11 mai.
Certains lycéens devaient passer cette année le bac. Pourvu que mai 68 soit oublié par leurs aînés et que l’enseignement de qualité à distance porte tous ses fruits. Conclure un cycle de connaissances par une certification fondée sur un contrôle continu sur toute une année est une bonne chose. Soit. Mais faire croire que cela suffit pour entreprendre tout type d’étude dispensé dans les prépa, à l’Université… quelle erreur ! Le Bac n’est plus la bonne voie pour entrer dans la vie professionnelle. Regardons encore vers les pays autour de nous. Le Bac n’existe plus. A l’heure où la mode devient de parler de l’Après, des voix sages s’élèvent dans ce sens, dans le Figaro du 4 avril, celle de Jean-Robert Pitte [1], et également celle de l’éditorialiste du Monde, dans le journal du lendemain [2].
Que cet épisode de 2020 aide à mieux penser le futur de nos lycéens !
Jacques Gonzales
Secrétaire général de la Société de Géographie
Professeur en médecine (er)
Enseignant à l’IPAG Business School
[1] « Le bac meurt sous nos yeux et tant mieux : vive une orientation digne de ce nom ! »
[2] Le Bac 2020 Exception ou exemple.
Merci au Professeur Jacques Gonzales, pour ce texte précis et réaliste, et surtout non polémique mais respectueux.