« Covid-19 : des chiffres », par Jacques Gonzales

« Quand est-ce que je sors, Docteur ? »

Le cap du 10-12e jour d’hospitalisation, de confinement, est difficile à passer, les soignants le savent bien, cette phrase, ils l’ont entendu maintes fois, comme « Je veux sortir ! Je signe ma sortie, tant pis ! ». Une partie de bras de fer s’engage alors à résoudre par la diplomatie : « Ce sera un peu plus long que prévu » et suivent des explications, des informations supplémentaires. C’est ainsi que la déception du confiné peut reculer et le rendre compliant face à des circonstances imprévues. Place à la patience, en trouvant des échappatoires.

Rêver d’un ailleurs et la géographie peut apporter bien des solutions de ce point de vue. La Société de Géographie a couronné de son grand Prix, en 2016, Jean-Paul Kauffmann qui a survécu à un terrible confinement, long de trois années « qui ont développé chez lui sensibilité, profondeur, pudeur et ce mélange unique de semelles de vent et de semelles de plomb qui sont la marque de fabrique de ses écrits » (Jean-Robert Pitte). Elle a couronné aussi Bertrand Piccard en 2018 qui, enfermé dans le cockpit de son avion solaire, a pris tous les risques pour parvenir à faire le tour du globe terrestre. Pour se préparer à ces expériences, lui, le médecin psychiatre, avait pratiqué l’autohypnose, la méditation orientale, et comme l’avait fait remarquer Jean-Robert Pitte lors de la remise de son Prix « Vous démontrez que la volonté s’éduque, que prendre en main sa destinée est l’expression même de la liberté humaine et que l’on peut se donner les moyens d’accomplir ses rêves. » Le confinement peut ouvrir la porte du monde des rêves.

La solitude forcée apporte aussi un flot de questions en ces moments. Des réponses sont utiles.

  • Pourquoi le confinement ? Des chiffres sur la distanciation sociale parlent et montrent de façon spectaculaire tout son intérêt, un argument pour le supporter plus longtemps. Si on réduit de 50% les contacts d’une personne, elle en contamine 1,25 en 5 jours, soit 15 personnes en 30 jours. Si cette réduction monte à 75 %, il n’y a plus que 0,6 personne infectée à 5 jours et, en 30 jours, 2,5 alors qu’en l’absence de toute distanciation, ce sont 406 personnes qui sont contaminées en 30 jours. Même s’il s’agit d’un modèle mathématique faisant appel aux exponentielles, son instruction est réelle en pratique.

distanciation sociale

Autres questions :

  • Pourquoi faut-il attendre si longtemps les résultats des tests ? Pourquoi n’est-ce pas immédiat ? La réponse ne fait plus appel aux mathématiques mais à la Biologie Moléculaire. Le Covid-19 est un virus formé d’une molécule, un ARN (un acide ribonucléique constitué d’un seul brin). Pour le détecter, il faut transformer cet ARN en ADN qui possède, lui, deux brins car il devient alors possible d’amplifier la quantité de cet acide désoxyribonucléique par la technique de PCR. Cela prend plusieurs heures et ce n’est qu’au terme de cette opération que l’identification précise peut commencer. Un test mis au point en Belgique donne des résultats rapides mais il n’a pas cette précision.

  • Quelle différence avec la détection des anticorps ? A chaque infection, notre organisme réagit en fabriquant des anticorps. Pour le Covid-19, il semble qu’ils apparaissent dans le sang au bout d’une semaine et que cette concentration se stabilise au terme d’une vingtaine de jours. Il est plus aisé de détecter ces anticorps, la conséquence de l’infection, que le virus lui-même. C’est dire qu’il sera possible par cette technique qui nécessite une simple prise de sang de connaître les personnes immunisées contre le Covid-19, des personnes qui n’ont plus besoin de rester confinées.

En théorie, cela est simple. En pratique, comment tester une foule qui réclamerait cette information ? Il faudra définir une stratégie de ce point de vue et il sera ainsi possible de suivre pays par pays, région par région la diminution du risque de contamination des populations qui y vivent. Certains pays misent sur le fait que plus il y a de malades, plus il va y avoir de personnes immunisées et que si leur proportion dépasse les 50%, le risque pour les autres encore sains sera nettement réduit. Ce sera très utile pour la levée du confinement. Encore faut-il passer ce cap.

On peut estimer qu’actuellement en France, un million de personnes ont été ou sont encore infectées. Cette estimation tient compte du nombre de cas identifiés et de ceux qui ont présenté des signes très suspects. A court terme, il est impératif de ne pas atteindre un seuil de malades qui dépasserait nos moyens de les soigner.

  • Que penser des chiffres annoncés toute la journée ? Il est utile de faire des comparaisons d’un pays à un autre, d’une région à une autre. Il faut être conscient qu’il ne s’agit que d’estimations. Nous avons ainsi appris que le nombre de décès journaliers en France, lié au Covid-19, était largement sous-estimé.

Néanmoins les tendances sont à prendre en compte pour faire des prévisions valables : la crainte d’embouteillage dans nos structures médicales est en effet une réalité très préoccupante. Les dynamiques au plan planétaire sont essentielles pour faire face au présent, avec des transferts ou des mutualisations de moyens, et pour mieux appréhender aussi l’avenir, y compris en termes de considérations économiques.

Serrons les dents pour franchir ce cap du 10e-12e jour et restons chez nous pour tenir le bon bout, la meilleure manière de vaincre l’adversité pour soi et pour les autres.

Et terminons par une note optimiste : dimanche prochain, nous connaîtrons une heure de moins de confinement. L’heure d’été ! Ah ! Si le soleil pouvait avoir raison de ce virus plus vite que les Hommes !

Jacques Gonzales

Secrétaire général de la Société de Géographie
Professeur en médecine (er)

Enseignant à l’IPAG Business School


Couverture de la Revue n°1568 La Géographie – Réclusions

2 Comments on « Covid-19 : des chiffres », par Jacques Gonzales

  1. Comme tout le monde je me pose des questions sur l’origine du virus. La progresión de la maladie en Europe ne laisse presager rien de bon pour l’Afrique,ou le virus risque de trouver champs libre a son expension. Le manque d’hygene,d’eau potable et le plus souvent l’absence de service de sante pourrait provoquer, une catastrophe humanitaire,semblable a celle produite par l’ebola , esperons que ce ne sera pas le cas.

  2. Conserver du bon sens est un exercice difficile dans des temps extraordinaires! Merci Jacques pour vos articles, toujours intelligents, clairs et tempérés. Ils ont quelque chose d’apaisant.

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