Pour l’amour du globe. Entretien avec Alain Sauter, fabricant de globes terrestres et géographe
Atypique. Ainsi pourrait se résumer le parcours d'Alain Sauter. Pour celui qui était jusqu'à récemment maître de conférences en géographie à l'université Paris 1-Sorbonne, l'appel de l'espace a été plus fort que tout. Pas celui des grands espaces que recherchent voyageurs et aventuriers. Plutôt celui, immobile, de ces espaces figurés, imaginés, rêvés qui constituent la raison d'être d'un globe terrestre. Car Alain Sauter a choisi de se consacrer pleinement à sa passion et de devenir l'un des derniers fabricants de globes terrestres. Entre géographie, rêve et artisanat, un entretien fascinant.
Vous êtes fabricant de globes terrestres. Comment avez-vous découvert ce métier et comment l’avez-vous appris ?
J’ai découvert ce métier au hasard de mes pérégrinations sur Internet. Pour être plus juste, j’ai avant tout découvert que l’objet, ce globe que tout le monde connaît et qui peuplait il n’y a pas si longtemps toutes les salles de classe, était presque une espèce en voie de disparition, standardisée dans sa fabrication par quelques industriels. Au travers d’un reportage au style parfait, j’ai écouté le patron d’une compagnie anglaise se présenter comme étant un des derniers au monde à fabriquer des globes à la main. J’ai trouvé cela vraiment incroyable !
Ma jauge de curiosité s’est dès lors élevé à son plus haut niveau : j’étais obligé de poursuivre mes recherches sur le sujet, confirmant peu à peu que les affirmations du reportage étaient bien vraies, que ce n’était pas juste un coup de publicité bien mené. Puis, ça a été le coup de foudre ! Cette découverte a été l’étincelle qui a allumé une machine cachée au fond de moi-même, faisant soudainement tourner ensemble des sujets qui me tenait à cœur comme des engrenages. Il y a bien sûr la géographie et l’amour pour les cartes. Il y a aussi le plaisir de faire avec ses mains, de travailler les matières, le bois notamment, jusqu’alors contenu au travers de quelques projets de construction de meubles. A cela se rajoute une admiration, une jalousie presque, face aux carnets de croquis que rapportaient mes étudiants architectes-paysagistes de l’Ecole de Versailles. Des esquisses, souvent colorées par quelques touches d’aquarelles, chargées d’émotions et de significations sur la réalité du terrain, alors que moi, géographe pratiquant du SIG, n’étais capable que de remplir des aplats de couleurs ou, au mieux de l’extravagance de l’analyse spatiale, de poser des hachures sur des zones inondables ! Et enfin, je dois l’avouer, une méconnaissance de la géographie « scolaire », se traduisant par une gêne puis un besoin de justification lorsque quelqu’un s’étonne qu’un enseignant du supérieur ne connaisse pas par cœur la position de toutes les capitales et la longueur de tous les fleuves du monde… Bref, fabriquer un globe terrestre semblait mélanger à merveille tous ces points. J’étais bien décidé à me lancer dans un premier modèle, au moins pour le défis.
Première étape du chercheur : l’état de l’art. Premières déceptions aussi : rien ou presque sur la manière de fabriquer un globe. J’ai dû me contenter de rares extraits d’archives télévisées, de quelques ouvrages anciens des Arts et Métiers sur la manipulation du plâtre. A ma grande surprise, aucune référence sur le sujet dans le catalogue de la bibliothèque de l’institut de géographie, si ce n’est un ouvrage d’Elysée Reclus qui prévoyait la construction d’un globe monumental de près de 160 mètres de diamètre… J’ai donc appris le métier par moi-même, de façon empirique, à force d’essais et d’erreurs, ce qui se révéla être une de mes expériences de chercheur les plus fortes, à mesure que je déroulais ma méthodologie, consignant chaque point dans mes carnets et testant de nouvelles approches. Bien sûr, j’ai contacté les quelques fabricants de globes à travers le monde, récoltant au mieux un « bonne chance » empathique.
Après environ deux années lors desquelles tout mon temps libre ou presque était dédié à ce projet, je sortais enfin mon premier globe « présentable ». Au passage, j’ai arrêté de compter les voyages à la déchetterie pour jeter les prototypes, j’ai testé assez loin la patience de ma femme et j’ai réappris la trigonométrie.
Quelles sont les différentes étapes dans la fabrication d’un globe ?
La fabrication d’un globe se compose d’étapes relevant aussi bien de la manipulation de matière que du travail d’édition. Certaines sont renouvelées à chaque globe, d’autres sont plutôt de l’ordre de la mise à jour. Il est difficile de généraliser sur le nombre de ces étapes, cela dépend de l’aspect final que l’on cherche à obtenir, mais aussi des méthodes (parfois secrètes) que chaque fabricant a développé. Je ne peux donc parler que des globes que je produis, en omettant volontairement certains détails , disons pour garder une part de magie sur ce métier.
La terre étant ronde, une première étape consiste à obtenir une boule qui servira de support. J’ai choisi de façonner ces boules en staff, mélange de plâtre et de fibres. Bien qu’ils soient creux, la densité de la matière utilisée donne un certain poids au globe et provoque une sensation d’inertie intéressante lorsqu’on le manipule, assez loin de l’objet en plastique moulé. Les globes anciens étaient généralement fabriqués à partir d’une âme en papier mâché, facilement moulable, recouvert d’une fine couche de plâtre. L’objet est ainsi léger mais très fragile, obligeant à prévoir une structure rigide intérieure pour les gros diamètres.

Source : Facebook « Globe Sauter »
Une seconde étape est dédiée à la cartographie, sujet d’intérêt pour le géographe. La Bibliothèque Nationale de France dispose dans ses collections de planches de fuseaux, matériaux intéressants pour réaliser des rééditions d’époque. Mais dès lors que l’on souhaite une cartographie à jour, il n’y a guère le choix que de la fabriquer soi-même. J’ai ainsi passé un grand nombre d’heures à réaliser des cartes du monde que je souhaitais adapter à la taille des globes. C’est un travail fastidieux, souvent dénué d’automatisme et qui m’a beaucoup interpellé. Une question était omniprésente : quelles villes représenter ? Bien sûr les capitales, mais comment conserver de la lisibilité lorsque les pays sont tout petits, comme dans les Balkans par exemple ? Et après les capitales, quelle taille choisir ? Allons-y pour les préfectures ! Mais comment conserver l’exhaustivité et la significativité entre pays dont les échelles spatiales et administratives sont très différentes ? Impossible de placer toutes les préfectures françaises sur un globe de taille raisonnable et, bien que ce soit possible pour les Etats-Unis par exemple, est-ce plus significatif de placer St Paul, capitale du Minnesota, que Minneapolis, à la fois plus grande et probablement plus connus chez nous ? Ces questions imposent un parti pris sur lequel je reviendrai plus tard.
Le travail de cartographie et d’introspection étant terminé, une nouvelle étape se profile. Et non des moindres, puisqu’il s’agit de se confronter aux problèmes de projections spatiales ou, devrais-je dire, de « déprojection » ! Ptolémée déjà en faisait état : impossible de reporter un objet sphérique sur un plan sans déformation. Rien de nouveau depuis, et bon nombre d’entre-nous enseignons à nos étudiants le pourquoi et les comment. Dans le cas du globe, le problème est inverse et les solutions sont à dépoussiérer : nous consommons de plus en plus de données spatiales, notamment satellite, intégrées dans un flux souvent très automatisé pour en faire des cartes, mais comment repartir de ces cartes toutes plates pour en refaire une sphère ? La manière la plus commune est de « découper » la Terre en fuseaux, sortes de bandes effilées aux pôles et dont les propriétés géométriques se rapprochent du galbe de la sphère. Tout d’un coup, les automatismes et autres moulinettes de nos logiciels de géographes ne savent plus nous aider. J’ai donc finit par écrire des petits bouts de programme informatique, à grand coups de fonctions sinus et cosinus, pour « reformer » mes cartes en fuseau. Je salue au passage l’Ecole Nationale de Marine de Marseille pour qui la fonction de Gudermann est commune mais qui fut pour moi une révélation !
A ce stade du travail, la planche de fuseau est prête à être imprimée, éventuellement retouchée pour y intégrer les personnalisations souhaitées par le client (imaginez le bonheur du géographe qui voit apparaître son village de naissance sur un globe). Les fuseaux, généralement au nombre de 12, sont ensuite découpés avec précision pour être collés sur le globe. C’est l’étape la plus délicate et celle qui a nécessité le plus d’apprentissage. Afin de pouvoir maroufler ces bandes sur la sphère, le grammage du papier doit être assez léger. Nous sommes donc réduits à manipuler des fuseaux extrêmement fragiles car détrempés d’eau et emplis de colle alors même qu’il faut délicatement étirer les fibres du papier et contredire Ptolémée pour finalement appliquer un plan sur une sphère. Il va sans dire que nous éviterons au passage tout incident diplomatique lié à d’éventuels mauvais raccords entre chaque fuseau. Pour chaque globe la méthode est la même. Malgré l’entraînement, l’entreprise est périlleuse et il n’est pas rare que les fuseaux se déchirent, obligeant à recommencer. Mais quelle satisfaction lorsque le dernier des douze fuseaux vient parfaitement se joindre à la fois à son prédécesseur et au premier collé, complétant ainsi un tour du monde !

Source : Facebook « Globe Sauter »
Étant las des aplats de couleurs trop réguliers que je pratiquais à l’aide des SIG ou d’autres outils informatiques, j’ai ajouté une étape de mise en couleurs des globes à la main. Ainsi, mes fuseaux sont imprimés en noir et blanc, représentant uniquement les frontières et les textes, parfois le relief sous forme d’ombrage. Je passe ensuite un temps certain, le pinceau à la main, à me balader de mers à océans, d’isthmes à baies, de montagnes à plaines pour « colorier » le monde. L’utilisation de l’aquarelle me paraissait évidente : quoi de mieux que des pigments vagabonds dans l’eau pour représenter les presque 70 % de surface aquatique de notre Terre et jouer avec leur diffusion à l’approche des estrans. On pourrait aisément imprimer les fuseaux en couleurs, même y ajouter de la texture pour simuler la peinture. J’ai essayé, dans le souci de gagner du temps à la fabrication, mais je suis rapidement revenus à l’aquarelle car j’y avais perdu la sensibilité que je recherchai.
Le reste du travail se partage entre finitions (plusieurs couches de vernis) et menuiserie pour réaliser le support accompagnant le globe.
Quelles sont les difficultés à réaliser un globe terrestre le plus « juste » possible ?
J’avais l’habitude de dire à mes étudiants de 1ère année que toutes les cartes sont fausses. La phrase, emprunté à l’un de mes enseignants lorsque j’étais moi-même de l’autre côté du pupitre, faisait sensation. Elle n’est cependant pas aberrante dès lors que l’on observe les effets des projections sur les surfaces et les angles. Le globe échappe à ses effets, redonnant sa forme à un Groenland devenu aussi grand que l’Afrique ou faisant état du lien franchissable que forment les îles Aléoutiennes entre Alaska et Russie. Dès lors, on peut dire qu’un globe terrestre est déjà plus juste qu’une carte.
Mais ce constat ne suffit pas et il faut s’affranchir de plusieurs difficultés pour prétendre réaliser un globe le plus juste possible.
L’une d’elles concerne la fabrication de la sphère. Si l’on reste sur une taille de globe raisonnable, l’aplatissement aux pôles est négligeable. Quand bien même on prendrait le phénomène en compte, il ne serai que difficilement perceptible même par des yeux aguerris, représentant environ 1,5 mm pour un diamètre de 50 cm. Par contre, la sphéricité de la boule est, elle, tout à fait nécessaire pour une raison purement mathématique : toute erreur de façonnage est à multiplier par Pi. Autrement dit, s’il existe une erreur de 1 mm sur le diamètre, on se retrouve avec 3,14 mm de circonférence en trop ou en moins pour poser la carte, ce qui au final est bien plus visible que l’aplatissement des pôles, même pour des yeux non aguerris.
Le collage des fuseaux, déjà évoqué, constitue également une difficulté majeure. Cela provient essentiellement du fait que l’on accumule les erreurs à mesure que l’on joint les fuseaux. Le placement du premier fuseau nécessite ainsi une attention toute particulière puisque de lui dépendra les autres. Pour s’aider, on trace précisément sur la sphère de plâtre un équateur et un premier méridien, dont l’angle droit parfait est l’un des secrets de réussite. La souplesse du papier présente l’avantage de s’adapter au galbe de la sphère mais également l’inconvénient de se déformer de manière chaotique si on ne fait pas attention, ou si on force un peu trop. Dès lors, on introduit des erreurs qui rendent difficile voire impossible la finalisation du collage. J’ai un niveau d’exigence assez élevé quant à la réussite du collage, surtout après avoir vu certains globes en magasin dont les lignes d’équateur ou des tropiques présentaient de larges méandres, sans parler des morceaux de pays disparaissant sous le chevauchement des fuseaux.
Vous étiez jusqu’à récemment enseignant-chercheur à l’université Paris 1-Sorbonne. Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter de votre poste pour vous consacrer uniquement à la réalisation de globes terrestres ?
Quitter un poste d’enseignant-chercheur, ou de fonctionnaire pour généraliser, pose question. En tout cas, la démarche est suffisamment insolite pour faire réagir. Certains saluant le courage, d’autres trouvant le choix incompréhensible, pour ne pas dire plus.
Je n’ai pas quitté mon poste sur un coup de tête, ce que j’interprète comme le signe que ma décision est le résultat d’un ensemble.
Il y a une part de rationnel qui m’a poussé à faire un choix entre deux métiers, deux occupations prenantes. Pour réussir sa mission d’enseignant, je crois qu’il faut se donner au maximum pour les étudiants, chose que je n’arrivais plus à faire. En parallèle, je ne pouvais exercer mon activité de fabricant de globe, toute jeune soit dit au passage, uniquement sur mon temps libre, au détriment de ma famille. Une décision se faisait de plus en plus pressante.
Il y a également une part de ressenti, plus ou moins profondément enfoui en soi, et qui a probablement joué un rôle bien avant que je m’en rende compte. Des événements personnels qui me donnaient envie de moins de déplacements (nous sommes installés à un peu plus de 2h30 de TGV de Paris). D’autres événements, pour certains assez récents, au sein de mon université mais également au sein de l’Université en général, qui font perdre de la force dans ses convictions d’enseignant-chercheur. Je n’arrivais pas à m’épanouir dans ce poste pourtant tellement convoité par tant de doctorants et j’ai fini par ne plus réussir à me convaincre que j’avais de la chance d’être là où j’en étais et qu’il fallait en être content. J’étais resté, je crois, dans un idéal que j’avais connu lors de mon doctorat dans le petit laboratoire de géographie de Besançon.
Être artisan, faire quelque chose de ses mains, rester au contact de la géographie et voir des visages s’allumer lorsque des personnes manipulent mes globes, tout cela constituait une perspective qui me convenait beaucoup plus.
Mais ces considérations restèrent pendant plusieurs mois sans effets concrets. Il faut s’assurer de la viabilité économique, se rassurer, aussi, d’être capable d’une telle entreprise. Le suivi opéré par la chambre des métiers aide à y voir plus clair, tout comme les quelques expositions que j’ai pu réaliser. La presse et les médias ont commencé à s’intéresser à mon activité hors du temps. Le carnet de commande se remplissait. Bref tous les feux passaient au vert. Et au final, il fallait un coup de pied pour oser faire le pas, sortir de sa zone de confort.
C’est ce qui s’est passé il y a quelques mois : j’avais fait une demande de départ volontaire, pouvant aboutir à une indemnisation, mais sans vraiment y croire. D’après le décret d’application, mon administration devait me donner une réponse dans les 2 mois. Le dossier s’est révélé être très compliqué, notamment parce que j’étais le premier à faire cette démarche, et au bout de 6 mois, je n’avais toujours pas de réponse. L’année avançant, il fallait bien prévoir les services pour la rentrée prochaine, et je m’orientais vers un temps partiel, modeste compromis me permettant d’assurer mes arrières si les globes ne tournaient pas rond. L’opportunité d’une mise en disposition ne m’intéressait guère, sachant bien qu’un retour à Paris ne m’enjouait pas vraiment. A quelques jours de la coupure estivale, je reçois un courrier de la présidence de Paris 1 saluant mon projet de reconversion par l’attribution d’une indemnité non négligeable. S’ensuivirent deux jours de doutes sur le bien-fondé du projet puis la décision de quitter mon poste d’enseignant-chercheur pour devenir, pour de vrai, géographe-artisan.
Alors que la cartographie ne cesse de s’enrichir de nouveaux outils technologiques de plus en plus perfectionnés, que continue à apporter, selon vous, cet objet qu’est le globe terrestre ?
Ma réponse peut paraître simple, aussi simple que l’objet en lui-même : un globe, ça fait rêver, ça donne des envies de voyages, ça rend curieux, ça renvoie à l’enfance pour certains. C’est aussi le plaisir simple de le faire tourner.
Vous avez raison, les outils et les données cartographiques connaissent des développements fascinants. Les possibilités offertes par les drones pour l’acquisition d’images aériennes en sont un exemple formidable. Tout cela est génial. Mais dans le même temps, je crois qu’on est un peu noyer dans le déferlement de précisions et d’informations, que l’on soit utilisateur, géographe, chercheur.
On peut légitimement se poser la question de qui a besoin d’un globe terrestre aujourd’hui. Il ne sert plus à asseoir la puissance de quiconque ou compiler les dernières découvertes depuis bien longtemps. Il n’est pas assez exhaustif, oserait-on dire connecté, pour faire une quelconque concurrence à un smartphone qui a réponse à tout, si tant est qu’il reste un peu de batterie. Le globe n’est plus vraiment présent dans les salles de classe non plus, ce qui a d’ailleurs participé à l’arrêt des derniers fabricants français dans les années 1970 (la maison Taride étant généralement reconnue comme la dernière).

Source : Facebook « Globe Sauter »
Je dirai que le globe -objet- , tel qu’il est construit dans notre imaginaire collectif, doit être repensé. Dès lors que l’on s’écarte de cette représentation classique (mais toujours magique à mon sens) du globe qui s’allume pour laisser apparaître une carte géophysique à la place d’une carte géopolitique, il y a beaucoup à faire. Le plan pédagogique n’est pas en reste et j’ai pu expérimenter son intérêt pour expliquer les différents systèmes de projection, simplement en plaçant un cylindre de papier transparent autour et en esquissant les limites des continents, tout comme j’ai pu révéler (car pour certains cela était vraiment une révélation) le pourquoi de la nuit polaire et du placement des tropiques à l’aide d’une lampe de poche simulant un soleil. J’ai également travaillé avec un collègue pour adapter sur un globe une cartographie illustrant les intérêts de l’ouverture des passages du Nord-Est et du Nord-Ouest sur le commerce mondial. Bien sûr, on peut le faire avec une carte, mais sur un globe, tout d’un coup, cela prend tout son sens.
Mon parti pris, en tant que géographe et fabricant, c’est de proposer un objet hors du temps, qui continue de faire rêver et qui donne envie de manipuler. Ce n’est pas juste un objet de décoration, voué à prendre la poussière sur une étagère. C’est pour cette raison que j’ai adopté une cartographie sobre en texte, favorisant l’indication de villes significatives à l’échelle des pays plutot que des catégories adminsitratives. Cela présente l’avantage de laisser clairement apparaître le dessin des traits de côtes, renvoyant l’utilisateur vers des atlas si le besoin de plus d’indication se fait sentir. Je joue également avec les textures de peintures pour m’éloigner d’une image de masse uniforme mais au contraire rappeler que le monde est composé d’une multitude de paysages.
Et pour que ce globe fasse rêver longtemps, je n’utilise que des matériaux dont les fabricants garantissent la longévité (une centaine d’années pour les pigments aquarelles… ) et des méthodes qui autorisent la restauration. Je serai très heureux d’apprendre, un jour, qu’un de mes globes soit transmis d’une génération à une autre, comme on peut le faire avec une montre.
Je dirai enfin que lorsque l’on acquiert un objet réalisé par un artisan, on achète souvent aussi une démarche. Dans mon cas, les matériaux plastiques et/ou non renouvelables sont presque inexistants : le plâtre se recycle presque à l’infini, la jute, utilisée pour fibrer, est soutenue par la FAO pour ses avantages sur l’environnement et l’économie. L’emballage pour expédier les globes est composé d’une caisse réalisée en peuplier, dont la culture favorise le maintien d’une ripisylve, et d’un rembourrage en fibres de tissu recyclé, labellisées pour son aspect solidaire. Et si certains me disent que mes globes risquent de se briser s’ils tombent, je leur réponds simplement qu’il faut interpréter cette fragilité comme le globe est une interprétation de la Terre.
Retrouver les réalisations d’Alain Sauter sur son site internet : Globe Sauter & Cie
Bravo ! Très beau travail, décrit ici avec précision et beaucoup de passion ! En espérant que l’aventure se poursuive
encore longtemps…