Olivier Milhaud : « La prison est une peine géographique »
Grande absente - parmi de nombreux autres sujets - de la campagne présidentielle, la prison fascine autant qu'elle effraie. Souvent réduit à quelques clichés (promiscuité, conditions parfois déplorables de détention, événements tragiques entre détenus) rendant difficiles sa compréhension et son analyse, l'univers carcéral interroge pourtant profondément la géographie. Nous avons demandé à Olivier Milhaud, maître de conférences en géographie à l'université Paris-Sorbonne et auteur du récent ouvrage Séparer et punir. Une géographie des prisons françaises (CNRS Editions) de nous expliquer en quoi la privation de liberté s'apparente aussi à ce qu'il nomme une "peine géographique".
Un détenu de la maison d’arrêt de Nîmes, l’une des plus surpeuplées de France, saisissait en 2016 la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) alimentant un débat malheureusement ancien sur les conditions parfois inhumaines de détention au sein des prisons françaises. Comment en est-on arrivé à une telle situation ?
La question soulève plusieurs enjeux géographiques majeurs. D’abord une question de géographie de la population : le surpeuplement des prisons, la racine du problème des conditions inhumaines et dégradantes. La justice française incarcère de plus en plus (+80% de détenus entre 1980 et 2016), pas tellement parce que la criminalité s’accroît (les crimes de sang baissent, mais les viols sont mieux poursuivis, tout comme la pédophilie, la délinquance routière est plus sanctionnée que jadis, tandis que les violences sont bien mieux dénoncées à la police). Notre justice incarcère aussi de plus en plus longtemps. La durée moyenne des incarcérations ne cesse de s’allonger : on en est à 11 mois, contre 8 au début des années 2000, 4 au milieu des années 1970, sans parler du Moyen-Âge où la moitié des prévenus sortaient le lendemain de leur écrou (aujourd’hui la durée moyenne de détention provisoire est de 4 mois) !
Avec d’une part des cellules de 9 mètres carrés bien souvent, prévues pour un détenu, mais occupées par deux, voire trois vu la surpopulation, et d’autre part une organisation pénitentiaire sans cesse dépassée par cet afflux de détenus que leur envoient les magistrats (les places en ateliers, en activités, à l’école, au sport, etc., manquent systématiquement), la tension est inévitable. Le manque d’espaces, le manque de personnels aussi vu la sur-incarcération de la population française, aboutissent à cette situation. Imaginons faire un voyage sur la route de plusieurs heures à 7 dans une voiture prévue pour 5, le trajet serait-il vivable ? La conduite apaisée ? Et les passagers opérationnels à l’arrivée ?
Le deuxième problème est lié à ce que le géographe Stéphane Rosière appelle « les modifications coercitives du peuplement ». L’incarcération n’est presque jamais choisie par les détenus (les cas d’incarcération stratégique pour sortir du jeu quelques mois le temps de se faire oublier dans le bassin de délinquance où on opère sont rarissimes !). Le procès est rarement vécu comme un moment de vérité, si bien que la peine n’est pas acceptée, les codétenus ne sont bien sûr pas choisis à l’arrivée en cellule, et surtout les conditions de détention paraissent toujours exorbitantes par rapport à la peine prononcée. Le détenu s’imagine être simplement privé de la liberté d’aller et venir, et il se retrouve en fait privé d’intimité avec les fouilles à nu, privé de confidentialité avec des téléphones sur écoute et des courriers ouverts par les surveillants, privé de vie familiale digne de ce nom (parloirs rapides, dans une ambiance collective et bruyante), privé de vie authentiquement politique (il ne participe plus à la vie de la cité), privé bien souvent de la liberté de consommer (il ne peut pas acheter ce qu’il veut quand il veut comme on peut l’espérer dehors), privé de sexualité choisie (la prison est l’un des rares espaces sociaux où l’hétérosexualité est interdite, même au parloir, et l’homosexualité acceptée), privé d’autonomie (on ne choisit jamais librement ses lieux, son organisation du temps, ses activités, et il faut toujours un courrier pour demander la moindre chose), privé d’environnement naturel (que de détenus me disaient vouloir juste pouvoir s’asseoir dans l’herbe ou embrasser un arbre à la sortie !, du fait des environnements très minéraux et bétonnés des établissements pénitentiaires), privé de douches quand il n’y en a pas en cellule et que la surpopulation empêche d’en avoir une par jour, privé de sûreté vu la tension qui règne entre les murs, et on pourrait continuer à l’envi. La prison est fondamentalement une géographie politique autoritaire, exorbitante par rapport à ce qu’elle devrait être. Punir par l’espace aboutit inévitablement à amputer une immense partie de la vie, alors que l’amende ne prive que d’argent.
Alors même que l’immense majorité des détenus sont des courtes peines, des gens qui restent rarement plus d’un an en prison, les représentations de la prison sont liées à un phénomène géographique bien connu : la stigmatisation par association spatiale. Comme derrière les murs se trouvent autant les criminels récidivistes (proportion infime des détenus), que les petites frappes de la délinquance qui n’ont pas les moyens de payer l’amende et se retrouvent incarcérés, ainsi que les prévenus pourtant présumés innocents (un bon quart des détenus tout de même !), tous subissent la réprobation populaire générale. La société et le personnel politique estiment qu’on en fait toujours trop pour les détenus, qu’ils méritent ce qu’ils subissent, etc. On est loin du temps de la Libération, où les réformes des prisons étaient portées par les résistants qui avaient justement subi les conditions d’incarcération durant l’Occupation. Aujourd’hui, ce sont massivement des hommes pauvres, désaffiliés et sans diplôme qui peuplent nos prisons. Ils n’ont aucun relais médiatique et politique puissant pour faire changer la situation dans laquelle on les plonge.
Une lutte contre la surpopulation carcérale passe-t-elle par la construction de nouveaux lieux de privation de liberté ?
C’est la solution que les gouvernements français, de droite comme de gauche, poursuivent depuis les années 1980. Sur les presque 200 prisons que compte le pays, 60 ont été construites depuis 1990 ! Cette course en avant n’est pas prête de s’arrêter, car plus on construit, plus on incarcère. En 1990, on comptait 33 000 places pour 45 000 détenus. En 2015, on était à 58 000 places pour… 67 000 détenus. Si l’on continue à incarcérer plus de gens, plus longtemps, cela est inévitable et on ne voit pas ce qui pourrait inverser la tendance.
La géographie est précieuse, car elle nous force à regarder ce qui se fait ailleurs. On peut calculer par exemple les taux de détention par pays : le nombre de détenus pour 100 000 habitants. Il est d’environ 100 en France, contre 90 en Italie, 76 en Allemagne, 50 en Suède et Finlande, 45 au Japon, 33 en Inde, contre 145 en Angleterre et au Pays de Galles, 190 en Pologne, 290 en Afrique du Sud, plus de 430 en Russie et au Rwanda, plus de 650 aux Etats-Unis ! Comment comprendre ces disparités ? De multiples facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer les excès et il est bien sûr trop simpliste de chercher une raison unique pour chaque pays. Néanmoins, risquons nous à citer l’industrie de la punition (marché juteux des prisons privées) et la guerre contre les drogues (Etats-Unis), les héritages de traumatismes (Rwanda post-génocide, Afrique du Sud post-apartheid), ou encore le délitement social (Russie post-soviétique). De multiples facteurs expliquent aussi les records de faiblesse d’incarcération : force de l’ordre social (Japon), alternatives aux poursuites judiciaires (Inde), politiques assidues de baisse de la population incarcérée (pays nordiques).
La France peine à regarder ce qui se fait chez ses voisins qui ont suivi des politiques volontaristes de décrue de la population carcérale. Cela peut passer en amont par des alternatives aux poursuites pour certains délits, ou le refus d’incarcérer toute personne dont le discernement était altéré au moment de l’acte pour les orienter vers des structures psychiatriques. Cela peut passer aussi par des alternatives à l’emprisonnement, comme le développement de peines appliquées dans la communauté (pensons aux interdictions de stade les soirs de match pour les hooligans, aux jours-amende, aux travaux d’intérêt général, aux sursis avec mise à l’épreuve, à la contrainte pénale, au bracelet électronique, aux réparations, etc.). Cela peut aussi passer par des modifications législatives comme la réduction des durées maximales des peines encourues ou la généralisation des libérations conditionnelles : plutôt que de sortir en toute fin de peine sans aucun suivi et d’être lâché dans la nature après avoir été complètement dépouillé de toute autonomie le temps de l’incarcération, ne vaudrait-il pas mieux des libérations conditionnelles systématiques, où certes on est dehors mais suivi par des conseillers d’insertion et de probation pendant plusieurs mois, le temps de retrouver un logement, un travail, une vie sociale ? Autant d’alternatives bien plus efficaces et surtout bien moins onéreuses que la prison !
La France a fait au contraire le choix de la gabegie financière. La cour des comptes a calculé que le nouveau programme immobilier de 2011-2012 visant à créer 7 600 places (même pas de quoi rattraper le retard entre nombre de détenus et nombre de places…) coûterait au final aux contribuables 16 milliards d’euros. Soit des chiffres vertigineux : 2,1 millions d’euros la place, loin des 115 000 euros la place annoncés à l’ouverture d’une maison d’arrêt type Orléans-Saran ! Les Partenariats Public-Privé, qui aboutissent à déléguer à un concepteur-constructeur du BTP (Bouygues, Eiffage, etc.) non seulement l’ouverture de la prison mais aussi sa gestion matérielle pendant trente ans contre un loyer payé par un Etat impécunieux, aboutit à ce gouffre financier. Même les Etats-Unis, que les Français se plaisent à critiquer, se rendent compte qu’un peu de sérieux budgétaire ne ferait pas de mal !
Mais le « populisme pénal » (Denis Salas) fait croire que l’on doit aux victimes ces millions d’euros coulés dans le béton, parce que seule la prison pourra réparer le tort qu’elles ont subi. Rappelons néanmoins que les victimes n’ont souvent qu’un mot à la bouche (« plus jamais ça » : c’est-à-dire surtout pas de récidive), que leur suivi psychologique est le parent pauvre indiscutable, et que l’aide aux victimes s’élève pour 2016 à 26 millions d’euros à peine, l’équivalent de 13 places de prison si l’on suit les chiffres de la Cour des comptes précédemment évoqué !
Dans votre thèse de doctorat Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par l’espace, dont vous venez de publier une version abrégée et actualisée (Séparer et punir. Une géographie des prisons françaises, CNRS Editions, 2017) vous parlez de la prison comme d’une « peine géographique ». Qu’entendez-vous par ce terme ?
A la différence de l’amende, la prison est assurément une peine géographique. On vous retire de votre espace de vie, on vous éloigne de la cité, et on vous précipite dans un espace autre qui est censé vous réinsérer dans la cité. Il faut donc analyser la prison à la fois comme un lieu (une localisation au sein de la carte pénitentiaire nationale) et comme une aire (pas seulement une architecture de la privation d’espace, mais aussi un espace-temps vécu au quotidien entre quatre murs).
Du côté de la mise à distance des lieux d’incarcération, la réponse est très nuancée. Mes recherches montrent que la plupart des détenus, et plus encore des établissements, sont dans les principaux bassins de population, c’est-à-dire les nœuds des voies de communication. Il y a bien sûr des exceptions, je pense tout particulièrement aux centres de détention et aux maisons centrales, pour les condamnés à de longues peines, qui tendent à être plus relégués que les maisons d’arrêt pour prévenus et courtes peines. Néanmoins, les petites et vieilles prisons dans les centres-villes de préfecture et de sous-préfecture tendent à être remplacées par de grandes prisons de plus de 600 places ouvertes en banlieue ou dans le périurbain, là où les terrains sont moins onéreux, les conditions de sécurité meilleures (larges no man’s land autour, pas de surplomb, pas de voisinage à proximité), et tout prétexte à investissement public toujours bon à prendre d’ailleurs. Par ailleurs, les catégories minoritaires en prison, pensons aux femmes (moins de 3% de la population pénale) sont souvent regroupées dans les quelques quartiers femmes (il est vrai en centre-ville le plus souvent), suffisamment remplis de détenues pour justifier plusieurs activités en détention. Cette logique géographique de regroupement est compréhensible, même si elle les éloigne souvent de leur département d’origine.
Au niveau des distances vécues, les proximités s’établissent très difficilement entre le dedans et le dehors, tout particulièrement pour les familles de détenus, qui sont des familles pauvres, appauvries par l’incarcération (même s’il était au RSA avant d’être incarcéré, le conjoint en prison perd tout revenu, et la prison coûte cher : il faut envoyer des mandats à ses proches pour qu’ils puissent « cantiner » du café, des produits d’hygiène, des cigarettes, ou payer la télé), et des familles submergées par les contraintes de l’incarcération. Venir au parloir aux horaires imposés suppose toute une organisation familiale (faire garder les autres enfants), sans parler du temps, de la fatigue, du coût et surtout de l’épreuve psychologique à subir ! Beaucoup de détenus me disaient que le plus dur ce n’était pas eux qui le vivaient, mais leurs familles… Les distances ne sont assurément pas que kilométriques !
Entre les murs rejoue cette dimension de punition par l’espace. Les prisons sont bâties comme des forteresses avec une violente séparation entre le dedans et le dehors. Ce ne sont pas seulement les hauts murs et les rouleaux de concertina (les fils barbelés doublés de lames de rasoirs), mais toutes les discontinuités matérielles et symboliques : la fouille à nu en entrant, la dépossession de certains objets, les règlements exorbitants du droit commun, l’amputation de vie sociale, avec une ségrégation stricte entre majeurs et mineurs, hommes et femmes, etc. Quand on analyse les espaces-temps des détenus, la stratégie est de sortir de cellule en maison d’arrêt, donc d’élargir son espace autant que possible, d’accéder aux lieux de ressources (le détenu qui travaille aux cuisines n’a jamais faim et mange toujours chaud par exemple, celui qui distribue les repas peut connaître la plupart des détenus, celui qui travaille aux ateliers peut gagner quelques euros, salaires dérisoires mais essentiels dans des économies de la rareté). Cela pervertit toutes les logiques de réinsertion du reste. Pourquoi aller à l’école plus qu’en promenade ? « parce que l’école, c’est deux heures [hors de cellule], la promenade c’est une heure » m’expliquait un détenu. Pourquoi se soigner ou aller à la bibliothèque ? Parce que les infirmières et les bibliothécaires sont bien souvent des femmes !
Les espaces collectifs comme l’atelier, la salle de sport ou le centre scolaire par exemple, sont bien moins perçus par les détenus comme des espaces de réaffiliation ou de réinsertion, que comme des moyens de sortir de la cellule, de diminuer l’enfermement, sans pour autant participer à une vie commune réelle entre les murs. Chaque détenu préfère se tenir à distance des autres qui ne sont pas de son âge, de son quartier, de son niveau socioculturel, de sa couleur de peau, voire du même type de délinquance, tandis que les séparations architecturales et l’organisation pénitentiaire dessinent des espaces-temps difficilement conciliables entre les groupes.
La prison est assurément une peine géographique – on retire le détenu de son espace privé et de l’espace public, pour l’enfermer dans un lieu autre, clos, à l’écart – on prive le détenu d’espace et de temps, les deux dimensions qui permettent de trouver sa place parmi les autres. L’espace joue un rôle essentiel par sa dimension coercitive (imposition d’espace et privation d’espace) qui modifie le peuplement : retirer des personnes de leur espace de vie, les ségréguer derrière de hauts murs pour des mois ou des années, les refouler de l’espace de la liberté tant que la justice n’en a pas décidé autrement.
Vous montrez dans vos recherches que le dispositif carcéral produit des discontinuités à plusieurs échelles. Comment s’expriment-elles et en quoi intéressent-elle le géographe ?
Il me semble effectivement que la prison constitue moins un dispositif de relégation qu’un dispositif de séparation. Il faut moins insister sur les distances que sur les ruptures. Si vous prenez les trois technologies qu’identifie Jacques Lévy pour vaincre les distances, les mobilités entre le dedans et le dehors – toute la question de la proximité relative des prisons aux bassins démographiques – ne sont peut-être pas celles sur lesquelles il faut le plus travailler. Les deux autres technologies pour vaincre la distance, les télécommunications et la coprésence, sont assurément des champs décisifs à aborder.
Pour ce qui est des télécommunications, 100% des établissements disposent enfin de téléphones, mais ceux-ci sont souvent situés dans les cours de promenade ou les coursives, des lieux de confidentialité dérisoire donc, et pas toujours accessibles largement en termes d’horaires ou de coût. Les emails sont rigoureusement interdits, tout comme les communications par visioconférences (Skype et autres) qui existent pourtant dans bien d’autres pays. En somme la discontinuité entre le dedans, qui n’a pas connu l’essor de l’Internet et des réseaux sociaux, et le dehors, où celui-ci est généralisé avec l’Internet mobile (34 millions de mobinautes en 2016), est frappante, même si le nombre de téléphones entrés illégalement en détention est considérable (27 000 saisies en 2014 !).
Quant à la coprésence au parloir, elle est trop souvent dramatiquement indigne. Des locaux collectifs, bruyants, parfois sales, inadaptés, offrent pour une heure ou deux des conservations à bâtons rompus, où familles comme détenus cherchent à se rassurer mutuellement tout en évitant soigneusement les sujets qui fâchent de peur de gâcher ces rares moments. Pour faire vite, chacun ment soigneusement à l’autre, le rassure alors que ça ne va pas, n’a pas le temps de s’épancher. Et quand il le fait, c’est pire que tout vu la brièveté. Mais comment généraliser les parloirs familiaux qui durent bien plus longtemps, ou les temps passés en unités de vie familiale, quand trop peu d’établissements en sont pourvus et dans un contexte de surpopulation ? Les parloirs familiaux et les unités de vie familiale (appartements dans les murs de la prison, non surveillés en permanence, et que le détenu et sa famille peuvent occuper de 6 à 72 heures d’affilée !) comblent de satisfaction les intéressés : la famille ne se sent pas punie elle aussi par l’incarcération, et surtout ils ont du temps pour juste être ensemble, cuisiner, regarder un DVD, retrouver pour quelques heures un temps familial de qualité. Retisser les liens familiaux et les liens sociaux est la meilleure façon de réinsérer et d’éviter à terme les récidives…
Le géographe pourrait se noyer entre considérations très générales sur la justice et considérations très techniques sur les parloirs. Il me semble pourtant que penser la prison par une entrée spatiale, la saisir à partir de toute la richesse des spatialités qui nous unissent et nous séparent, permet de saisir autant les contradictions de la prison (séparer pour réinsérer ?) que d’élargir les façons de penser (repenser les lieux, les proximités, les espaces-temps, les territorialisations partagées, les discontinuités choisies).
Olivier Milhaud vient de publier Séparer et punir. Une géographie des prisons françaises aux Editions du CNRS.
« La prison est une peine géographique : elle punit par l’espace. Elle tient des populations détenues à distance de leurs proches et les confine dans des lieux clos. En même temps, le dispositif carcéral cherche à réinsérer le détenu dans la cité, à maintenir ses liens familiaux. En dépit de proximités avérées entre la plupart des prisons et les bassins de population, les détenus et leurs proches vivent l’incarcération comme une mise à l’écart. Les riverains souhaitent souvent éloigner les nuisances des prisons, voire cacher le stigmate carcéral. L’architecture même des prisons accentue cette obsession séparatrice : démarquer le dedans du dehors et séparer les détenus entre eux. La prison des détenus et celle des architectes, celle des proches et celle de l’Administration pénitentiaire, celle des riverains et celle des élus locaux, composent un dispositif de séparation : la prison coupe les liens sociaux et empêche les détenus de partager un monde commun entre les murs. L’enquête menée par Olivier Milhaud, dans les murs et hors les murs, souligne l’inefficacité d’un tel système, et invite à repenser l’espace de la prison ».
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