Le Baron de Baye et l’Empire russe

Archéologue, voyageur, explorateur, ethnographe, Joseph Berthelot de Baye, plus connu sous son titre nobiliaire de baron, est un personnage fascinant. Rien ne prédestinait pourtant cet homme né à Paris en 1853 au sein d’une vieille famille aristocratique et militaire de la Marne, à devenir cet infatigable voyageur dont les pérégrinations le mèneront de la Norvège au Portugal, de l’Autriche-Hongrie à la Sibérie orientale.

La stricte éducation qu’il reçoit chez les Frères maristes puis les Jésuites est un crève-cœur pour le jeune homme dont la soif de découverte se heurte à la froideur de l’institution. S’il rêve de grands espaces et de contrées lointaines, les premières recherches qu’il engage en autodidacte le mènent vers l’archéologie et l’exhumation de plusieurs hypogées préhistoriques de sa région, dans les alentours des marais de Saint-Gond.

Acquérant rapidement une certaine reconnaissance scientifique, ses travaux lui donnent le loisir de sillonner l’Europe au gré des conférences et congrès archéologiques et de se rendre pour la première fois à Moscou à l’occasion du congrès archéologique international de 1890. Cinq ans plus tard, le ministère de l’instruction publique le charge de plusieurs missions qui l’amèneront, avec le photographe Hugues Krafft, à séjourner plusieurs mois par an dans l’Empire russe qu’il parcourra de l’Ukraine à la Sibérie, du Caucase à l’embouchure de l’Iénisseï. Ces expéditions exploratoires donneront lieu à une importante production photographique – on compte plus de 1700 clichés – dont une part est conservée dans les archives de la Société de Géographie.

Pleinement intégré à la recherche internationale de son temps, le Baron de la Baye s’en singularise toutefois par sa curiosité humaniste. Alors que nombre de ses contemporains sont obnubilés par les paysages grandioses et les monuments singuliers, l’attention de Joseph de Baye se porte plutôt sur les populations rencontrées et la quotidienneté de leurs modes de vie. Ici, c’est un groupe de colons recevant leur dîner le long d’une voie de chemin de fer. Là, un groupe d’ouvriers préparant le samovar dans une gare du Transsibérien. Là encore, le cliché furtif d’un wagon de galériens. Dans la ville de Kourgane, c’est la foule et les transactions d’un marché aux chevaux que l’objectif immortalise.

 

Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-221             penza_-_minoussinsk_10_le_-baye_joseph_btv1b53101469v

A gauche : Penza – Minoussinsk. Colons recevant un dîner gratuit (1897). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-221

A droite : Penza – Minoussinsk. Le gros samovar aux stations, sur le Transsibérien (1897). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-207

 

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A gauche : Penza – Minoussinsk. Une fenêtre d’un wagon de galériens (Transsibérien) (1897). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-202

A droite : Marché aux chevaux, ville de Kourgane (1895). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-68

 

Les clichés de paysages (toundras, taïgas, milieux forestiers) ne sont pas absents du travail photographique du Baron de Baye, mais s’attachent moins à montrer les singularités physiques des régions visités, qu’à comprendre comment l’homme s’inscrit dans ce milieu naturel.

 

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A gauche : Sibérie. Taïga où se trouve l’ancien lieu de sacrifice des Ostiaks (1896). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-155

A droite : Station de colons, ville de Kourgane. Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-64

 

Les nombreux portraits que contient le corpus photographique des missions du Baron se font les témoins de cette volonté de placer hommes et femmes au cœur des explorations.

 

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A gauche : Un bachkir. Sibérie (1895). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XBJ-231

Au centre : Femme mordvine, gouvernement de Penza (1895). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XBJ-236

A droite : Toungousses, gouvernement de l’Iénisséï (1896). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-161

 

Fidèle à ses premières amours archéologiques et ethnographiques, le regard du voyageur se porte en outre sur le patrimoine matériel des groupes humains rencontrés. Instruments de musique, architecture des maisons, sculptures et images saintes deviennent un moyen de faire connaître au public européen les singularités culturelles de populations jusqu’alors ignorées.

 

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A gauche : Idoles tchoudes (1895). Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-82

A droite : Tambours des chamans, district de Minoussinsk. Source : Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG XCD-198

Pierre Raffard


Pour en savoir plus sur la vie du Baron de la Baye, voir la série de reportages radiophoniques que France 3 Champagne lui a consacré.

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