Le Berry est-il à vendre aux Chinois ?
La Chine fait son marché en France depuis plus de dix ans. Elle a investi plus de 7 milliards d’euros entre 2000 et 2014. Mais pour la première fois dans l’histoire de la France, un fonds chinois a acheté près de 2000 hectares de terres dans le Berry. Et ce n’est pas fini.
Selon le Land Matrix, les Chinois cultivent 10 millions d’hectares hors de leur territoire. La première cible des Chinois a été l’Afrique subsaharienne : plantations en Tanzanie, en Sierra Leone, au Sénégal et plus au sud, en Zambie où ils cultivent du riz, du maïs, du manioc et du sésame. Certes, une part de la production va au marché local mais l’essentiel prend le bateau. Dans l’élevage, les Chinois achètent américain : Shuanghui International s’est offert Smithfield Foods Inc. pour produire du porc, mais en mettant la main sur des terres agricoles au Texas, dans le Missouri et en Caroline du Nord. L’Australie est dans le viseur, mais le gouvernement australien a mis son veto récemment, la vente jugée « contraire aux intérêts nationaux ». Enfin, les pays d’Amérique latine et l’Europe de l’Est paient leur écot à la gourmandise chinoise. En Russie, près de 20 000 agriculteurs chinois sont enregistrés sur des exploitations !
En France, Xinjiang Chaklis avait promis d’acheter des tomates dans le Vaucluse. Promesse non tenue à la hauteur de l’engagement du maraîcher. L’entreprise est liquidée. Dans le Médoc, les Chinois sont très présents, ils lorgnent désormais le Var après s’être fait la main en Bourgogne. Les Bretons et les Normands n’ont pas hésité à confier des tours de séchage du lait sans se douter que les affaires pourront se retourner à la première anicroche. Enfin, si vous achetez Cochonou et Justin Bridou dans une grande surface, sachez que ces marques sont cotées en bourse à Hong Kong.
Des transactions discutables
A Vandoeuvres (Indre), on commence à s’interroger sur ces achats pilotés par l’homme d’affaires Marc Fressange. Les terres auraient été cédées dans une fourchette entre 11 000 et 15 000 euros l’hectare. La China Hongyang, qui vend des fournitures industrielles a acheté plusieurs fermes (La Tourmancière, Le Grand Mée, Chambrisse) où avaient travaillé Belges, Anglais et Hollandais. Dans le village, des terres de mauvaise qualité appartenant à l’Américain Del Monte sont passées dans les mains des Chinois qui paient cash et fort. A l’antenne départementale de la FNSEA pourtant dirigée par l’agrobusinessman Xavier Beulin, on grince des dents. Contrairement au maire, Christophe Vandaêle, qui ne voit pas le mal. Certains édiles comme Michel Hétroy, à Châtillon-sur-Indre, craignent d’avoir un jour à importer des céréales plus chères que ce qu’on aurait pu produire sur le territoire.
Les terres berrichonnes sont souvent propriétés étrangères, mais avec les Chinois, on a juste des investisseurs qui ne s’installent pas. Et quand le maire se demande quel commentaire on ferait si la Chine achetait le château de Versailles, on touche à la dimension patrimoniale d’une terre qui fut très tôt intégré au domaine royal qui a fait la France. Pire, on doit savoir que les Chinois ont triché pour acheter ces terres, y a-t-il de quoi être inquiet ? Le ministère de l’agriculture contrôle les ventes des terres par les Safer qui ont un droit de préemption. A la condition que 100% du bien soit cédé. Là, les Chinois n’en ont acheté que 98% laissant les 2% restants à l’exploitant resté sur place…
Ainsi, les Chinois confirment ce que Houellebecq avait imaginé dans La carte et le territoire. La France est à vendre. Et pas que dans l’industrie. Balzac devra réécrire La Rabouilleuse qui se passait à Issoudun et la cathédrale de Bourges, ancienne figure de proue du royaume capétien dans le Sud du pays, deviendra-t-elle un parc d’attraction pour touristes chinois en mal de sensations.
Gilles Fumey
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