Japon, de la « décadence globalisée » à la « récession positive », par Françoise Thibaut
A son début, les Japonais n’ont pas du tout pris l’épidémie de Covid 19 au sérieux. C’était loin, ailleurs, exagéré, sans intérêt, une grippe comme une autre. Habitué au port du masque protecteur dans les villes, non pour se protéger « soi » mais ne pas contaminer autrui, l’urbain Japonais resta serein. Le Nord de l’archipel avec son bon air alpestre et glacial ne se sentit pas menacé, le Sud beaucoup trop tropical n’était pas concerné.
Bref, tout allait mieux : le spectre du tsunami de Fukushima et ses terribles conséquences, la lente litanie des catastrophes naturelles de plus en plus violentes, le changement d’ère avec l’abdication de l’Empereur Akihito au profit de son fils ainé Naruhito, la cuisante question dynastique, l’inclassable tornade Trump, la préparation des Jeux Olympiques prévus de longue date, les coupures d’électricité dues au nucléaire en berne, l’autorité contestée de Shinzo Abe, déjà malade, au pouvoir depuis si longtemps…Tout cela faisait déjà beaucoup sans se soucier d’un incertain malheur planétaire, nommé – avec quelque mépris tout nippon – « Shingata ».
Le couperet tombe brusquement début 2020, dans un certain désordre de dates. De modestes 1200 nouveaux cas par jour début décembre, on est passé à plus de 6.000. Le malade 0 a été repéré : il s’agit d’un chauffeur de taxi qui a « chargé » un voyageur chinois contaminé à l’aéroport de Nara, en provenance de Beijin. Instantanément tous les vols en provenance de Chine sont annulés. A la demande du gouverneur de Tokyo l’état d’urgence est décrété pour la capitale et sa périphérie, donc plus de 40 millions d’habitants. Toute entrée de visiteur étranger est interdite, étendue aux préfectures d’Osaka, Kyoto et Hyogo. La fermeture des bars et restaurants est avancée d’une heure( 19H), si le télétravail est « recommandé » il n’est pas obligatoire, les rassemblements publics restent autorisés à moins de 5.000 personnes, les écoles restent ouvertes. Le premier ministre Suga ne veut pas mettre en péril les dispendieux J.O. qui doivent commencer fin Juillet.
Hélas , on patauge et on hésite : les services d’urgence sont très vite saturés, les vaccins tardent à être fournis, et en nombre très insuffisant. Le mécontentement grandit, de même que la peur. Les nouvelles du monde entier ne sont pas rassurantes : isolement et confinements se généralisent, comme le masque, même dans des ilots isolés.
Finalement, la panique ambiante génère un repli généralisé : usines, centres commerciaux, immeubles de services, se claquemurent irrémédiablement, les écoles et universités ferment leurs portes, les insubmersibles conbinis [1] tirent leur rideau, les alignements de distributeurs de boissons et sucreries ne sont plus alimentés. Le Virus se montrant récalcitrant aux injonctions des astres et des dieux, les Jeux Olympiques – les plus coûteux jamais organisés – sont reportés à l’Année 2021 : le surcoût est estimé à 2 milliards d’euros qui s’ajoutent aux 13 milliards déjà investis ; le Comité d’organisation rembourse près d’1 million de billets.
A cela s’ajoute – incidente réalité – la désertion de la brillante génération de capitaines d’industrie qui fit la gloire et la prospérité commerciale japonaises : chez Nintendo, après le décès brutal de l’emblèmatique Satuei Iwata, c’est au tour de Tatsumi Kimishima (68 ans) de passer la main avec un milliard de bénéfice annuel ; le patron de Sony, Kazuo Hirai annonce son départ après le redressement spectaculaire de la première entreprise mondiale de jeux vidéo. Et bien d’autres…le passage à la jeune génération de leaders est pâle, incertain, dans un contexte douloureux. Le Japon se sent orphelin de son génie créatif…Un journaliste, moins sot que les autres, invente, en regardant le monde , cette mortelle expression : « la décadence globalisée »…
Débarquer au Japon au terme d’un long voyage maritime, ou d’interminables vols transplanétaires, est toujours surprenant : les premières heures d’immersion restent à jamais une expérience sidérante : « on n’y comprend rien» en aucune façon : le cerveau occidental se retrouve nu comme un ver dans un monde inaccessible, illisible et opaque où des individus très aimables, souvent souriants, restent indéchiffrables.
L’archipel si disparate, difficile à cerner du 141ème degré polaire au 36ème tropical, effrité en centaines d’îles et ilots, baigné de flots tumultueux, aux terres peu généreuses, accidentées de montagnes et de frissons telluriques, garde ses mystères et ses contradictions , oxymore permanent, même pour un esprit aguerri.
L’entrée dans le XXIème siècle est – pour le Japon – fort pénible. L’épisode épidémique du Shingata, pourtant bien moins létal que la grippe, a dessiné les contours d’un « nouveau « Japon, qui doit se reprendre en main, se réinventer sous peine d’irrémédiable déclin. Le Virus planétaire, méprisable gêneur, a fait découvrir combien factice et fragile était notre monde globalisé et que tout imprévisible incident pouvait déclencher une « décadence « généralisée, aussi irréversible qu’une famine, un tremblement de terre ou une montée des océans. Frayeur supplémentaire dans le monde perçu comme « impermanent » par tout Japonais.
Le Japon récent – ces derniers mois – laisse percevoir 3 axes de fracture et de nouvelles orientations économiques, diplomatiques et politiques.
1) Le déclin démographique est inéluctable [2]. Après avoir flirté avec un plafond de 128 millions d’insulaires dans les années 1980 à 2000, le Japon subit une constante baisse de population au rythme d’environ 800.000 âmes annuelles. La « fuite » se situe aux 2 extrémités du spectre social : la disparition des plus âgés, le déficit de natalité. Le renouvellement générationnel ne se fait pas.
Les florissantes et suractives générations de la fin du XXème siècle – celles qui découvrent l’aisance et la facilité- disparaissent. Plus personne ne meurt de karoshi (épuisement au travail) depuis longtemps. Plus du tiers (36%) de la population japonaise a plus de 65 ans. En 2025 l’archipel passera sous la barre des 123.500 millions d’individus. De l’autre côté, la natalité est en baisse constante depuis 8 années (0,5 enfant par femme en âge de procréer) avec une forte tendance au refus féminin de s’encombrer de progéniture dans un monde si friable. Le slogan « No baby- no kids » fleurit dans les Associations féministes privilégiant la carrière professionnelle, assurance d’indépendance juridique et financière.
Les couples avec enfant (unique) ou les femmes seules (par choix ou divorce) avec enfant, refusent catégoriquement de faire mieux ; l’ argument majeur est le coût exorbitant de la venue et de l’éducation d’un enfant dans un pays où « l’aide sociale » est parcimonieuse. Certes les personnes âgées sont très considérées : le travail senior est apprécié, le tourisme senior très florissant : des hordes de pimpantes vieilles dames prennent d’assaut les sites touristiques et les principaux pèlerinages, font la tournée des Matsuri [3] et de la totalité de la saison des Sakuras avec une énergie qui laisse pantois. Emplois spéciaux, aménagements spécifiques pullulent. Le Japonais est un grand marcheur, un touriste discipliné ; au-delà de 70 ans , la visite bi-annuelle de contrôle d’aptitude à la conduite automobile est obligatoire.
Ni les Japonais dans leur ensemble, ni les gouvernants n’envisagent de compenser cette mollesse démographique par l’immigration : il est très difficile de s’installer au Japon et d’y travailler ; Seuls les Sud-Coréens sont admis sans trop de difficulté, et de toutes façons les autorisations sont de courte durée (2 à 3 ans grand maximum). C’est « l’entre-soi » traditionnel. Le Gaijin (étranger) est toléré mais non intégré. Cela sans aucune agressivité mais fermement. Enfin, nouveau phénomène inquiétant : lorsqu’ils le peuvent, les jeunes diplômés tendent de plus en plus à s’échapper, tenter leur chance en Australie, à Singapour, au Canada, aux Etats-Unis. Là aussi c’est assez restrictif et limité dans le temps.
2) La seconde fracture, encore plus impressionnante, mais peu visible d’emblée (il faut avoir suffisamment circulé dans l’archipel) est celle entre les grandes métropoles affairées, surpeuplées et les campagnes. Le Japon est territorialement plus petit que la. Grande Bretagne, très morcelé et – ce qu’on oublie trop souvent- très montagneux, au reliefs abruptes et compliqué, semé de volcans turbulents : peu de vastes prairies, des rizières ou cultures cramponnées à des pentes aménagées avec patience, des péripéties agricoles toujours recommencées, depuis des siècles. Les conurbations de Honshu, Tokyo-Yokohama-Kawasaki au centre /est et plus au sud Osaka-Kobé-Kyoto rassemblent plus de 60% de la totalité de la population, ce qui donne un profil très urbanisé du Japon, avec une densité presque aussi forte que celle des Pays Bas. Il est très difficile de se loger « en ville », dans des espaces très réduits, et à un prix exorbitant. Mais cette image est trompeuse : ailleurs, c’est à dire dans les villes moyennes, ou petites bourgades, la vie est paisible, souvent rustique, liée aux saisons, au jardinage dans des lopins minuscules où grandissent de mystérieux végétaux. La pêche traditionnelle (la mer n’est jamais loin, les lacs nombreux) apporte le surplus alimentaire. Shikoku et Kyushu recèlent les clefs d’un Japon traditionnel, loin de la fureur de l’enrichissement et de l’arrogance. On y dialogue avec la lune, enseveli dans de tièdes baignoires de sable noir afin de régénérer un organisme miné par une vie urbaine inappropriée…On vit heureux avec peu de moyens, le respect des ancêtres et le maintien de la politesse.
Ces 2 mondes s’éloignent inexorablement l’un de l’autre : les agriculteurs- nourriciers ne représentent plus que 7% de la main d’oeuvre, le tourisme intérieur comble une partie du déficit économique, à condition que la nature le veuille bien. Beaucoup de petites écoles locales (payantes) sont fermées, les familles n’ont plus les moyens de les financer, ce qui laisse une friche d’acculturation inquiétante dans une nation si soucieuse d’éducation.
3) L’épisode Shingata a creusé la récession amorcée depuis 15 ans, épuisé un moral déjà en berne. Seulement 9 générateurs nucléaires sur les 17 installés fonctionnent, certains au ralenti. Les coupures de courant n’ont rien d’exceptionnel. Tokyo est moins illuminée, le célèbre carrefour de Shibuya, avec ses écrans géants moins bondé. Les trains jaunes et oranges sont encore à l’heure, on rejette toujours les eaux de refroidissement de Fukushima dans l’océan Nord-Pacifique. On ne sait pas très bien où et comment elles se dispersent, mais on n’en parle pas. Le manque d’énergie du Japon -quelle qu’elle soit – est toujours le même depuis près d’un siècle : c’est ce qui l’a fait se précipiter vers la Mandchourie en 1936 (charbon) puis vers la Malaisie en 1941(pétrole), et a tout effondré du rêve fou de puissance dès 1943.
L’exiguïté territoriale, les caprices volcaniques, rendent aléatoires les champs d’ éoliennes et les parterres solaires. La confusion politique, les liens complexes avec une économie souterraine peu avouable, la disparition des capitaines d’industrie qui ont mené au sommet de l’économie mondiale, la créativité industrielle concurrencée par les Coréens ou les Indonésiens autrefois soumis et dépendants n’améliorent pas le paysage économique.
Un point préoccupant est la baisse du niveau de la recherche, la désertion des cerveaux, la lassitude fiscale. Le Japon, est riche, doté d’ une épargne privée considérable (n°1 ou 2 mondiale) mais peu ou mal utilisée. En fait, l’archipel est coincé entre l’attachement aux traditions ancestrales d’un mode de vie simplissime, économe, frugal et la frénésie industrielle consumériste à l’américaine. Être l’éternel équilibriste entre ces deux tendances, amplifie la cassure entre les différentes strates sociales et ne simplifie ni une remise en ordre économique ni un ré-équilibrage humain.
La prise de conscience est douloureuse. Surtout si on se souvient d’avoir été pendant des lustres un des premiers pourvoyeurs financiers de l’ONU, le guide de la progression économique des Coréens, le meilleur commerçant d’Asie.
Le Japonais aime la magie, l’imprévisible de la vie, le bouillonnement du sol, les fleurs dans le chaos minéral, les îles où on ne sait toujours pas que la guerre est finie. Il mime l’irrépressible renaissance, déguise le passé pour mieux affronter l’avenir : il invente la « Récession positive ».
Le concept de Récession positive surgit début 2023 : il consiste en le déni de la déprimante réalité : le déclin démographique est un bienfait : nous serons moins nombreux, nous serons moins entassés dans les grandes villes, le logement sera moins cher, plus accessible ; les surabondants et couteux emplois de service seront supprimés au profit de professionnalisations basiques ; l’usage généralisé de l’intelligence artificielle permettra de fructueuses mutations sociales, la possibilité d’avoir à la fois un métier intéressant et une progéniture, le redémarrage de l’économie de marché sur des processus technologiques innovants.
Cette rêverie collective annoncée repose toutefois sur quelques démarches solides :
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Assurer la sureté des villes, endiguer les tendances violentes, le désordre urbain lentement répandu : avec fermeté l’Archipel a réduit sa criminalité des trois quarts ; les autorités et les gouvernements successifs ont appliqué des pratiques aussi violentes que la violence : sanction immédiate des délinquants, des peines lourdes même pour des délits mineurs, la pratique de centres de rééducation pour les mineurs récidivistes, la suppression des aides sociales aux familles des fautifs [4]. Le taux d’incarcération est très bas : 33 pour 100.000 habitants et 3% de population mise en examen.
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Encourager et financer la renaissance d’un enseignement de qualité, notamment dans les provinces les plus touchées par la récession. Le système d’enseignement japonais pénalise les pauvres, le remède est donc d’accorder, dès le primaire, des bourses et développer l’assistance maternelle. La généralisation du divorce et l’accès des femmes à l’emploi ont créé la nouvelle catégorie sociale des mères célibataires, souvent au bord du dénuement. . Il a donc fallu commencer à réviser l’image de la femme et son utilité dans le tissu professionnel, ce qui n’est pas évident et restera fort long à obtenir dans un pays toujours aussi patriarcal et peu enclin à reconnaître l’égalité intellectuelle de ses différents enfants.
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Réinventer l’industrie et créer de nouvelles activités : le Japon a eu le tort de s’endormir quelque peu sur ses lauriers et n’a que trop tardé à opérer les mutations indispensables. La robotique, le multimédia sous toutes ses formes sont encore très inexplorées. Les nouveaux matériaux, qu’il s’agisse de l’urbanisation ou des bâtiments maritimes offrent des perspectives encourageantes Le Japon a eu l’imprudence se laisser « doubler » par les chantiers coréens qui ont lancé les premiers portes-containers totalement automatisés : perte d’honneur insupportable… La relance du commerce maritime, accompagné de la construction navale nourrie par les craintes de conflits en zone Pacifique sont soutenus par des milliards de yens et les investissements exigés des zaîbatsus (Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo,etc…)Les financements sont exclusivement japonais.
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Le retour aux « fondamentaux » : le Japon est par tradition et par goût le « pays de l’artisanat » ; sa maitrise parfaite des métiers d’art, de la création manuelle en fait une exception planétaire, négligée dans la frénésie de la modernité américano-occidentale. Les jeunes gens diplômés, lassés de la vie de poisson rouge dans les grandes cités de béton sont encouragés à retourner dans leur province d’origine, embrasser l’activité manuelle qui les tente. Ainsi des « athlètes de la beauté matérielle » reçoivent formation et savoir faire d’hommes de l’art vieillissants. Les artistes et artisans qui excellent dans leurs métiers traditionnels sont distingués « trésors nationaux vivants ». Plusieurs bienfaits à ce virage spectaculaire : le maintien de traditions dans les domaines les plus variés ( métallurgie, poterie, verrerie, porcelaine, travail du bois, bambou, paille de riz, papier [5] (washi), peinture, gravure, travail du cuivre, du cuir, du sel). Les activités rurales sont encouragées, comme celles du tissage, des broderies, des soies et duvets…La liste est infinie.En second lieu, cela aide au contournement d’un éventuel chômage urbain dans des activités en voie de disparition ; enfin, le repeuplement de petites villes et hameaux suscite un nouveau brassage entre générations. Le retour là la terre est également conseillé, sur les traditionnels lopins nippons, vers les cultures biologiques, wasabi, champignons, ginsen, le nira, le takenoto, le rutabaga, la patate douce, inspirent neo- cultivateurs, adeptes de pharmacopée traditionnelle et cuisiniers inspirés.
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Le vent de la Pensée positive dans l’adversité pousse à retrouver la Noblesse de l’échec . Les déconvenues de la modernité à n’importe quel prix incitent à modifier les ambitions du présent et l’horizon à plus long terme : la politique intérieure est toujours aussi confuse, les dernières élections législatives (octobre 2024) n’ont rien résolu : toujours pas de majorité absolue pour soutenir un gouvernement assoiffé de réformes. Toutefois, Naruhito, après une première année assez terne, épaule de son autorité mesurée de souhaitables changements : le plus spectaculaire concerne les Affaires Etrangères : au lieu de continuer à considérer tous ses voisins comme des ennemis potentiels, le Japon entame une stratégie d’ouverture et de coopération : les Accords transpacifiques de Défense y encouragent sous égide nord américaine et australienne : la protection contre les embarrassantes ambitions chinoises galvanise les volontés. Il faut aussi admettre que les difficultés internes de la Chine de monsieur XI rendent les craintes moins prégnantes ; tout bien pesé, des peuples et des Etats jugés jusqu’à présent « infréquentables » le deviennent : échanges de visites officielles avec la turbulente Indonésie (remplie de pétrole), les Philippines incompréhensibles (excellente clientèle) ; Et même l’Inde façon Modi ! Quelle embellie! Les chamailleries avec la Corée du Sud – l’allié le plus proche et le plus fiable – visent l’apaisement, les différents enjeux frontaliers en mer semblent finalement solubles. Seul point toujours noir : la Corée du Nord, ses missiles et sa dynastie lunatique. Avec l’adoption d’un profil « bas » le Japon tente de reconquérir un poids conséquent dans les instances onusiennes et les échanges indo-pacifiques.
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La communauté internationale a compris le message nippon :Le Japon est peut être le premier a avoir compris et assimilé que le monde et les équilibres créés en 1946 étaient en toute fin de parcours et qu’il fallait passer à un « nouveau monde » en faisant le moins de dégats possibles. A ce titre, lui sont accordés quelques « lots de consolation » afin d’accélérer la «Récession positive » annoncée. Le Prix Nobel de la Paix 2024, dans l’indifférence générale et un contexte diplomatique digne d’un acrobate surdoué, a été attribué à l’Association Nihon Hidankyo, créée en 1956, laquelle combat toute résurgence de l’arme atomique. Elle commença par regrouper, répertorier et aider les victimes de l’activité nucléaire [6], puis étendit son influence sur toute la prévention et l’éducation au péril atomique. Elle contrôle, entre autres, le respects des comportements interdits en vertu des Accords internationaux.
Par ailleurs l »Exposition Universelle de 2025 – décidée de longue date- aura lieu dans une des îles de la baie d’Osaka du 13 Avril au 13 Octobre. Son thème général sera « concevoir la vie future » ; ses appuis financiers ont été renforcés, et une partie des installations pharaoniques des J.O. ratés de 2020 réutilisés . 28 millions de visiteurs sont attendus, ainsi que plus de 170 Etats participants.
On a donc, à l’orée d’une incertaine année 2025, un tableau nippon très contrasté, qui, comme tout le monde, dépend des orientations de la politique nord américaine. Le Japon, avec sagesse, élude BRICS et opinions sur les insolubles guerres lointaines. Simple observateur de la rencontre de Kazan, il attend la suite.
Il a aussi une « lucarne » de soleil : l’Archipel de Ryukyu très au sud et tropical dont l’île principale est Okinawa, proche de Taïwan. La vie y est lente, paisible, détachée du tumulte du monde ; on y mange beaucoup de fruits, de légumes, des algues, des poissons, et on y circule d’île en ilot sur de petits ferries essoufflés mais toujours à l’heure [7].
Cela malgré la présence – tout de même – de 3 Bases américaines pas vraiment appréciées mais tolérées avec bonhomie. Okinawa, à la recherche de son passé polynésien et de sa langue okinawaienne, riche de son petit million d’ âmes et de son attractivité touristique, est la seule Province japonaise où la natalité est positive (les familles ont jusqu’à 3 ou 4 enfants) et possède le record mondial de la longévité de la vie : les centenaires y sont légion et l’ultime souffle se produit couramment à 103 ou 104 ans.
par Françoise Thibaut
Professeur émérite de droit à l’Université de Poitiers
& Correspondante de l’Académie des Sciences morales et politiques
[1] Supérettes locales ou de quartier. Le combini ne ferme jamais, ouvert 24h sur 24 et 7 jours sur 7 ; Il est le plus souvent une entreprise familiale où tout le monde participe. Il fait aussi office de buraliste, relais postal, dépôt de livraisons, pourvoyeur de tickets de trains ou bus. Complètement intégré à la vie quotidienne, il est aussi un puissant lien social.
[2] Inéluctable : Larousse dit « qui ne peut être surmonté en lutant » du latin inductabilis et eluctari
[3] Les Matsuri sont les fêtes populaires locales pour les célébrations religieuses shinto ; les processions très colorées, , bruyantes et joyeuses sont très prisées ; certaines, à Tokyo ou Kishiwada sont très célèbres. Sakura est la saison de la floraison des cerisiers qui s’étend de la fin Mars à la fin Mai. C’est la f^te de Hanami (« regarder les fleurs ») qui suscite nombre de pique-niques, offrandes et festivités
[4] Méthode copiée sur l’Australie où depuis plus de 30 ans s’attaquer aux ressources des familles de délinquants -quelque soit leur niveau de vie – a été d’une efficacité redoutable. Pour les plus modestes, le retrait de l’aide sociale ou la captation d’un mois de salaire du chef de famille est un argument très vite assimilé, qui encourage à mieux s’occuper de sa progéniture, dans le cas où celle ci n’est pas prise en charge dans une »ferme de rééducation ».La chasse à l’alcoolisme et la drogue est également une constante de l’action non seulement de la police mais aussi des éducateurs.
[5] Le papier japonais « washi » est un des plus anciens au monde, inimitable et inexportable car sa fabrication repose sur 3 plantes autochtones : le murier , le ganpi et la mitsumata. Sa fabrication est complexe, alternant lavages et séchages dans une dextérité mystérieuse. L’industrialisation a failli faire disparaître cette activité à l’origine de nombreuses fortunes pendant des siècles. Robuste, il peut aussi être utilisé pour la fabrication des cerfs volants et des ombrelles.
[6] Les rapports de la Nihon Hidankyo sur les Hibakushas, victimes directes des 2 explosions d’Aout 1945, puis celles des essais américains aux Iles Marshall ou français en Polynésie sont assez sidérants, mais peu diffusés.
[7] L’archipel de Ryukyu dont l’île principale est la Préfecture d’Okinawa avec sa capitale Naha, a été investie par l’armée américaine entre Avril et Juin 1945 au prix d’une lutte féroce. Placée sous tutelle administrative américaine en 1951, devenue une des pièces maitresses du dispositif américain en zone Pacifique, elle fut rendue au Japon en 1972.

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