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« Ethique et zététique », par Jacques Gonzales

Soyons éthiques ! Restons chez nous pour limiter au maximum l’afflux de malades vers les soignants.

Comme l’a écrit Frédérique Leichter-Flack, membre notamment du Comité d’éthique du CNRS, l’hôpital dans des conditions de catastrophes est confronté à une abomination morale, le tri des patients. « Le médecin trieur n’est pas l’ange posté à l’entrée du royaume, il n’est pas là pour jouer à Dieu et dire qui aura ou non droit à la vie, mais pour sauver le plus de vies possible ».

Emmanuel Hirsch, lui-aussi spécialiste de l’éthique, a clairement indiqué qu’ « en raison de la carence en respirateurs disponibles, on renoncera à réanimer des personnes qui, en pratique courante, auraient pu bénéficier de traitements et survivre ».

J’insiste, rester chez soi pour le bien de soi et des Autres. Quelle horreur d’imaginer que ceux qui sont à l’agonie ne peuvent pas être accompagnés dans leur fin de vie par ceux qui les aiment. Comme l’a écrit Paul Sugy, évoquant La Peste de Camus et le confinement, « elle inflige aux hommes l’expérience de l’universel ». Etant l’affaire de tous, chacun doit faire son devoir, s’imposer un comportement déchirant.

C’est au prix d’une privation de liberté la plus totale possible que la morbidité (le nombre de malades) liée au Covid-19 se réduira et que la mortalité sera limitée. Elle est exprimée en proportion des gens atteints, elle sera en valeur absolue d’autant plus importante qu’il y aura de malades.

La mortalité : 2,89% en France, 0,2% en Allemagne. Pourquoi une telle différence ? Il y a quelques jours, ces chiffres de mortalité comparés ont déclenché des commentaires. Il suffirait de comparer le nombre de lits d’hôpital en soins intensifs pour 1000 habitants : 7,8 lits au Japon, 7,1 en Corée, 6 en Allemagne, au lieu de 3,1 en France et même 2,4 aux Etats-Unis. Il faut penser aux patients et à leur famille avant de lancer de tels arguments sur les réseaux sociaux.

Il y a une carte publiée le 9 mars qui tend à montrer qu’il y a une influence de la température sur l’épidémie. Nous n’en savons rien à l’heure qu’il est, même si nous l’espérons avec la venue des beaux jours.

L’information relève de l’éthique. Le lecteur a bien mieux à faire : adopter la zététique, l’art du doute. La Société de Géographie se veut de réfléchir à l’écart des idéologies et des conclusions hâtives.

Quelle sera l’influence du confinement sur la courbe de progression du nombre de cas à venir ?

Une publication toute récente envisage des projections en partant de valeurs observées (ligne continue – CONFIRMED) vers des valeurs attendues (lignes pointillées). Elles ont été établies à partir des tendances des derniers jours, allant de 5 à 9 jours. Si on retient ce qui s’est passé dans les cinq derniers jours, il apparaît qu’il y a une inflexion de la courbe pour la France, l’Espagne et l’Italie tandis qu’il y a une ascension pour l’Allemagne et les Etats-Unis.

Ne concluons pas sur des modèles mathématiques !

Mettons-nous dans la peau des chercheurs. Pour le moment, il faut actualiser toutes les données cliniques, biologiques, venant des pays qui ont connu et qui connaissent cette crise sanitaire. Ce n’est pas encore l’heure de l’analyse et encore moins celle d’annoncer des traitements salvateurs. Nous devons vivre dans le doute, être à l’affût de nouvelles qui peuvent s’avérer contradictoires, même à quelques jours d’intervalle. Nous devons garder le moral car ne trouvent que ceux qui cherchent et ils sont très nombreux aujourd’hui les laboratoires en effervescence.

Ecoutons les infectiologues reconnus, ceux qui acceptent de douter au fur et à mesure qu’ils avancent. La disparition du virus ne signifie pas la guérison. Cette maladie virale présente une évolution complexe pour ceux qui en sont gravement atteints. Avancer pas à pas est une nécessité en recherche.

Le temps presse et pourtant il faut savoir attendre, EN DEMEURANT CHEZ NOUS.

                                                                                                                           

Jacques Gonzales

Secrétaire général de la Société de Géographie
Professeur en médecine (er)
Enseignant à l’IPAG Business School

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