Les premières leçons du covid-19, par Jacques Gonzales

La pandémie de coronavirus souligne l’intérêt de deux disciplines voisines, la géographie et la médecine.

Pourquoi tant de personnes sont prises de panique face au covid-19 ? L’Histoire ne se répétant jamais, cette discipline ne peut pas répondre à la question fondamentale, celle de l’avenir, de l’évolution du monde dans cette période de pandémie croissante. Pourquoi cette angoisse généralisée ? L’avenir, les perspectives, le géographe fait des projections à partir des données en temps réel, le médecin, lui, cherche à établir un pronostic à partir de signes recueillis en continu. Et pourtant tout semble incertain aujourd’hui, renvoyant les Hommes à une époque où la nécessité était de chercher pour découvrir, d’analyser pour mieux prévoir.

La communauté humaine menée par des décideurs découvre brutalement que l’économie peut cesser de diriger le monde. La sociologie est désarçonnée par des populations aux comportements imprévisibles. Que de livres en perspective dans ces prochains mois ! Ils vont faire l’analyse de ce qui se passe en ce moment. Il faut dire que nous vivons une expérience à l’échelle mondiale unique, déclenchée par aucun gouvernant, aucun regroupement politique. L’interférence de l’homme avec la marche de la planète subit un découplage soudain, comme un véhicule qui a perdu tout contrôle humain. L’intelligence artificielle n’en peut mais dans ces circonstances puisqu’elle n’a pas le pouvoir de créer. Avec notre confinement, une révolution culturelle, un test grandeur réel sont en marche : non, l’argent ne fait plus le bonheur, tous pour un, un pour tous, voilà la vérité. L’égocentrisme, l’égoïsme en expansion sur la planète est devenu anxiogène : chaque battement de cœur, chaque mouvement respiratoire compte, les coiffeurs, les instituts d’esthétique, les magasins d’habillement sont désertés, le paraître est balayé par la réalité des instants.

La réalité dépasse des fictions devenues futiles comme les « téléréalités ». Le champ des loisirs s’est réduit : l’homme est incité à retourner dans sa grotte mais, à la différence d’hier, il reste branché sur ses congénères même lointains par les nouvelles technologies.

Les besoins primaires redeviennent essentiels : respirer, se nourrir, se laver les mains, tousser en préservant l’Autre.

Tous ceux qui prônent le retour au naturel devraient être satisfaits. Nous sommes dans la situation qu’ont connu nos anciens, toujours vivants avec l’allongement de la durée de vie, cette époque où les traitements anti-infectieux étaient inefficaces. Les progrès de la science faisaient peur, ils sont aujourd’hui réclamés à l’unanimité. Cette pandémie apporte finalement un bain de jouvence à une humanité qui avait perdu ses repères et qui en venait à écouter parler les arbres, donner raison à la Nature, plutôt qu’à s’intéresser aux avancées des scientifiques, comme les géographes et les médecins.

 

Jacques Gonzales
Secrétaire général de la Société de Géographie

 


Retrouvez, sur le même sujet, le précédent article de Jacques Gonzales : Coronavirus : positivons !

3 Comments on Les premières leçons du covid-19, par Jacques Gonzales

  1. Je me suis posée la même question hier soir en apprenant ce confinement. Vivons-nous dans une nouvelle ère actuellement où il faudra changer nos habitudes ?
    Malheureusement face à votre optimisme sur l’humanité, je pense que les gens vont se ruer sur leur téléphone faire des achats en ligne, s’abrutir devant la télévision et regarder Netflix pour échapper à cet environnement anxiogène.
    Car le plus grand ennemi de l’homme n’est il pas lui-même et ses démons ? L’inaction, le fait de tourner en rond, l’inactivité, le confinement…normalement c’est un moment propice pour se remettre en question et d’aller au fond de son âme pour rendre des mesures bonnes pour soi et pour les autres. Malheureusement, je suis peu optimiste sur l’être humain. Mais l’avenir nous le dira.

  2. Le point de vue de l’article est excellent. Le XXI ème siècle ne sera peut-être pas celui de la résurgence des religions comme l’a suggéré André Malraux mais, je le pense, celui de la prise de conscience d’un besoin de valeurs collectives non dictées par des au-delà révélés conflictuels, mais choisies librement et démocratiquement avec sagesse par la volonté générale des habitants de la terre.

  3. Bon travail cher Jacques et que ta rubrique à la Ste nous préserve des idioties de ces gilets jaunes qui samedi à bordeaux s’étaient réunis dcandant sous leurs bannières : Conoravirus! conoravirus !

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